Depuis la saison dernière on voit Thierry Dupont, le cavalier bien connu de la région du Calvados, en compagnie d’Adéquat des Coteaux, un cheval fort charismatique qui saute comme une star et qui se classe facilement dans les épreuves 140 et 145 en prouvant à chaque tour sa capacité d’aller plus loin et plus haut. En même temps Thierry se retrouve à la tête d’une très belle écurie à Saint-Désir à coté de Lisieux, la propriété de Francesca Coin, sa compagne. C’est le moment de rencontrer et de parcourir ensemble quelques années qui l’ont mené vers sa belle forme actuelle.
CHEVAL OU EXPLOITATION AGRICOLE ?
J’ai rencontré les chevaux à 11 ans quand je suis allé avec mon père chercher du fumier de cheval pour le jardin dans un centre équestre. Je suis tombé immédiatement amoureux de l’atmosphère, des odeurs, des chevaux et j’ai commencé à monter à cheval d’abord une heure, ensuite plus et finalement j’y passais tout mon temps libre. On s’amusait beaucoup avec les copains, mon père était triste car j’avais abandonné complètement le foot… Après deux ans j’ai connu un autre club mené par un écuyer du Cadre Noir à la retraite où je suis resté une quinzaine d’années. Son club était aussi une ferme avec des terres, des vaches laitières etc. et avec le temps j’ai travaillé autant dans les deux, car j’aimais bien ce côté agricole. Côté cheval je montais beaucoup au départ, on faisait du complet car c’était son domaine de prédilection. Je faisais peu de concours et je ne connaissais même pas l’existence du circuit des jeunes chevaux. On était dans l’Orne, dans un coin de campagne assez perdu. J’ai arrêté l’école pour faire un CAP ce qui n’a pas fait plaisir à ma mère, institutrice, mais par la suite j’ai quand même passé mon Bac .
J’ai fini par être l’employé de cette ferme que je gérais et selon les accords avec mon patron je devais reprendre l’exploitation mais je me suis rendu compte que cela n’arriverait pas et j’ai décidé de voler de mes propres ailes. J’ai déposé plusieurs dossiers pour m’installer dans l’activité agricole, j’ai laissé de côté les chevaux. Mais mes dossiers ne passaient pas la porte des banques, c’était refus sur refus .
Je suis donc revenu chez mon ancien patron et c’est là j’ai rencontré Nathalie, ma première femme, mère de mes deux filles, qui est arrivée dans son centre comme monitrice. Grâce à elle j’ai repris le cheval et nous avons décidé de nous installer ensemble. En 1990 on a pris une ferme en location avec une petite maison et j’ai commencé à y faire des travaux et des installations pour pouvoir travailler avec les chevaux – j’ai construit mes écuries, j’ai fait un manège avec un tunnel d’aviation, j’ai rénové la maison, j’ai appris comment faire en faisant. Comme je me débrouillais pas mal pour le débourrage, je faisais une centaine de PS par an, je faisais aussi des poulinages de trotteuses. Des amis m’ont confiés quelques chevaux en pension, dont deux bons chevaux avec qui je suis passé de la classe D à la classe B en une année. J’ai appris plus en une année que pendant les 10 ans précédents !
J’avais alors 26-28 ans et c’ est à cette période que j’ai commencé vraiment ma carrière équestre. J’ai appris en regardant les autres, je n’avais ni le temps ni l’argent pour prendre des cours. J’avais des doutes car j’étais seul avec mon équitation. J’ai monté mon premier jeune cheval de 4 ans à 30 ans, on peut dire alors que je suis aujourd’hui, à 55 ans, comme un jeune cavalier qui a commencé gamin! Avec de l’usure en plus, bien sûr…
L’ACCIDENT
Notre entreprise marchait très bien, on a pu finalement acheter la ferme, j’ai fait une grande carrière, un grand manège, 30 boxes, on organisait des concours et on a commencé à acheter des chevaux avec M. Boulay qui est resté toujours mon fidèle partenaire.
Et là, tout d’un coup, tout s’arrête. Je travaillais un jeune cheval qui s’est mis debout tellement fort qu’ il est tombé sur moi. Ma jambe a craqué comme une branche. Le chirurgien de l’hôpital de Flers m’a opéré en mettant une broche et m’a promis que j’allais pouvoir reprendre le cheval dans les 4 mois. Finalement j’ai eu 11 opérations pendant 2 ans, j’ai subi des greffes, j’ai eu une sévère infection et je me suis préparé à être amputé. J’ai été sauvé par un grand professeur, chirurgien à Louvain en Belgique. Je suis resté dans son hôpital un mois et ça a était une vraie leçon de vie. J’ai vu tellement de malheur, de maladie de désespoir que j’ai compris qu’il ne faut pas se prendre la tête pour les petits tracas du quotidien. Ce qui compte c’est d’être en vie, c’est d’avoir deux jambes, deux bras, une tête qui marche. Je pense toujours à une dame là-bas qui avait un cancer en phase terminale et qui s’inquiétait pour moi.. On a beaucoup parlé et elle a été d’un grand soutient et l’exemple d’une vraie noblesse de cœur.
Ces deux années ont été très dures, j’ai dû affronter des problèmes de santé très invalidants, mais aussi la vente de mon écurie, le divorce et le déménagement.
TOUT RECOMMENCE
J’ai toujours souhaité m’installer dans le Calvados, j’ ai donc choisi cette région pour repartir et je me suis retrouvé près de Carrefour St Jean où j’ai remonté une écurie en réempruntant. J’ai du vendre ces installations après trois ans pour acheter à St Desir à côté de Lisieux. C’était la friche, les ronces, il fallait tout construire de nouveau. Les écuries, la carrière, le manège, le rond de longe. J’avais aussi des champs pour faire un peu d’élevage. L’écurie marchait bien mais j’ai eu l’opportunité de la vendre il y a deux ans et j’en ai profité..
C’est Francesca Coin, ma compagne actuelle qui m’a persuadé de travailler moins, de me faire plus plaisir et de profiter de la vie.
Nous avons construit un assez beau complexe opérationnel sur les terres de Francesca . On peut loger une trentaine de chevaux – du coup on prend aussi quelques chevaux de propriétaires. Nous avons une belle carrière, des paddocks, tout pour être heureux. J’ai pris une part active à la construction de l’ensemble et je le gère au quotidien. Mais grâce à une bonne organisation et à la présence d’un salarié on peut partir assez souvent et profiter de la vie à deux. On achète les chevaux ensemble avec Francesca qui fait aussi un peu d’élevage.
LE COMMERCE DEVIENT DIFFICILE…
On achète maintenant des chevaux plus classiques pour les clients mais ce ne sont pas ceux qui m’amusent le plus. Ce sont ces chevaux là que les gens demandent et qui se vendent bien. On demande qu’ils soient très bien dressés et dans le moule , avec une visite parfaite.. Les vrais crack chevaux ont quelque chose en plus, ils sont atypiques, pas toujours faciles à monter.
Galoubia, jument particulière avec qui j’ai fait mes premières grosses épreuves avait une visite moyenne, une volonté incroyable, et un seuil de douleur très haut , elle à tourné jusqu’à 18 ans. Tout récemment j’ai acheté un 5 an refusé par un autre acheteur car il avait un petit processus palmaire , il est top, je l adore !
ADEQUAT, GRAVITY ET LE BONHEUR AU QUOTIDIEN…
Adéquat des Coteaux, fils de Tinka’s Boy vient de l’élevage de Rouge-Bois et je l’ai acheté quand il avait 6 ans dans une écurie près de Reims car il avait une très belle qualité de saut. A la maison j’ai découvert qu’il regardait tout, était très sensible et pas vraiment prêt à collaborer. J’ai franchement galéré pendant 2 ans… Il a un très fort caractère, n’aime pas qu’on lui impose les choses, il faut donc trouver des astuces . Il faut toujours discuter avec lui mais il n’est jamais à la peine, il peut sauter trois jours avec la même fraîcheur, est très respectueux et adore les câlins ! C’est grâce à son mauvais caractère, finalement, que je l’ai encore aujourd’hui. Nous avons maintenant notre mode de fonctionnement : 2 à 3 séances de plat par semaine,et du galop sur la piste de trot en herbe.
Gravity LCH c’est un KWPN, fils d’Andiamo de 8 ans, il est très timide et très sensible et a dû avoir des débuts difficiles. Acheté chez un marchand irlandais, revendu à David Aïssa à qui je l’ai acheté . J’ai ressenti une vraie qualité de saut mais il faut vraiment avoir beaucoup de calme et de patience pour le rassurer – j’ai mis 1 an à pouvoir lui caresser le flanc et j’ai vécu 6 mois très compliqués. Il a évolué énormément, il arrive à être compétitif sur 140 . il lui faut encore du temps .
Aujourd’hui je me sens bien dans ma peau. Je prends plus de temps pour profiter de la vie. Je suis en forme et j’ai Adéquat qui me tire vers le haut, c’est fantastique. J’espère être sélectionné cette année pour commencer doucement les CSI 3*. Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir me permettre de ne pas le vendre. C’est un vrai luxe et j’en profite pleinement !