Je suis né en Bretagne dans une famille liée au monde équestre. Mon père était cavalier et ma mère inséminatrice pour le compte du Haras de la Gesmeray. Quand j’avais neuf ans mon père est mort d’une crise cardiaque pendant un concours d’entraînement. On a pas pu le sauver alors qu’il a été pris en charge instantanément par les pompiers – car à l’époque on avait des ambulances des pompiers présents sur les concours. Aujourd’hui on est obsédé par les questions de sécurité mais pas d’ambulance sur les terrains de concours. C’est scandaleux. On fait un sport dangereux et quand on a un accident sur la piste, attendre les pompiers coincés dans les bouchons c’est très dur et ça peut être tragique.
Après un Bac agricole j’ai commencé par monter pour le Haras de la Gesmeray avant de passer trois ans chez Bruno Rocuet. C’était une belle expérience qui m’a donné les bases de formation des jeunes chevaux. Pour le reste, je suis assez autodidacte, j’ai appris en regardant les autres cavaliers et en adaptant mes observations à la spécificité de chaque cheval pour pouvoir monter beaucoup de chevaux différents. Car c’est au cavalier à s’adapter au cheval, pas l’inverse.
JE N’AI PAS EU LES MOYENS, DONC JE ME SUIS ADAPTE
A la base je ne suis pas aisé et je n’aurais pas osé me lancer à mon compte sans l’encouragement de Christian Planchon. Il m’a proposé 6 chevaux en pension et un camion. Le Pôle Emploi m’a aidé avec 6000 euros et un ami m’a prêté de l’argent pour ouvrir un compte engageur. C’est comme ça que j’ai démarré en 2009 et j’ai avancé petit à petit pour arriver à louer, aujourd’hui, une écurie dans ces magnifique installations au Haras du Barquet. Je ne suis pas à plaindre, on a une bonne qualité de vie mais la route n’a pas été facile tous les jours.
ON PARIE SUR LES BONS CHEVAUX
Aujourd’hui j’ai fait le choix de parier sur la qualité. J’ai 16 à 20 chevaux à l’écurie et deux employés très dévoués Flavien Giraud et Alisson Thory qui veuillent à leur bien-être. Il est important que l’ambiance à l’écurie soit bonne et détendue car les animaux la ressentent. L’élément clé de la réussite c’est également l’aide de ma femme qui travaille dans l’ombre en s’occupant des taches administratives et qui m’accompagne sur les routes en tant que groom concours, enchaînant les jeunes en semaines et les « grand » en week-ends. Je ne la remercierai jamais assez…
Je prends les chevaux à l’essai pendant un mois avant de décider de m’investir. Les pensions coûtent assez cher, les les propriétaires-éleveurs comme Denis Brohier, Stéphane Chalier ou les frères Pignolet me les confient en espérant une bonne commercialisation, il faut donc être assez sûr de pouvoir arriver aux résultats escomptés. Et on sait qu’on s’entend pas forcément avec tous les chevaux: le meilleur cavalier avec le meilleur cheval ne forment pas forcément le meilleur couple! L’exemple de travail réussi qui m’a fait très plaisir, c’est une bonne jument d’Eric Levallois que j’ai formé à 6 et 7 ans et qui, trois semaines après la vente, a gagné le GP 2 étoiles en signant le seul sans faute!
J’ai mis des années à construire ce système qui ne fonctionne pas si mal – si vous regardez mes classements dans les GP les années passées ce n’est jamais avec les même chevaux. La seule exception était Red Queen Davier qui n’était pas à vendre et que j’ai pu garder plus longtemps.
CE QUI COMPTE C’EST LE PARTAGE
Je monte à cheval car j’aime les animaux. La performance en soi n’est pas intéressante si on ne construit pas, on ne partage pas ensemble. Car les chevaux, s’ils sont en confiance, se donnent pour nous. Quand, au barrage, le cheval semble obéir presque à votre pensée, c’est unique et c’est un plaisir de partager extraordinaire! Et certains d’entre eux nous donnent plus que d’autres. Et ce ne sont pas forcément les chevaux avec qui on a le plus de résultats – ils n’ont pas forcément tous les moyens, mais ils ont là pour nous. Et on s’y attache d’autant plus qu’ils ont souvent une forte personnalité. C’est comme chez les gens, les plus doués n’ont pas été forcément les meilleurs à l’école…
IL FAUT COMMENCER PAR LES AIMER
Il faut commencer par l’aimer. Si vous l’aimez, si vous croyez en lui, même s’il n’est pas le meilleur, le cheval vous donnera le meilleur de lui-même. Car si on n’y croit pas, il y a peu de chances que ça marche. On s’investit moins, on passe moins de temps, on est moins patient et le cheval ressent tout cela, forcément. Pour qu’un cheval se donne, il faut qu’il se sente bien. Il m’est arrivé une fois de passer à côté d’une jument que j’ai eu à 5 ans. Après 6 mois de travail j’ai suggéré au propriétaire de changer d’écurie car je n’ai pas compris son mode de fonctionnement. Il l’a fait, elle a été ensuite commercialisée au Canada et tourne aujourd’hui dans de belles épreuves. Je reste persuadé que si elle était restée chez moi, elle n’en serait pas là aujourd’hui…
Sinon, il y a eu pas mal de chevaux qui ne faisaient rien et qui se sont révélés dans mes écuries. C’était le cas d’Aresse M. Le cheval marchait bien avec son propriétaires à 135-140 et celui-ci a voulu le faire évoluer sous une belle selle à haut niveau mais les essais n’ont pas été concluants. Et moi j’ai découvert un crack. Son premier GP 135 à Cabourg, gagné, son premier 140 à Deauville, gagné. Le Grand National de Cluny, gagné. Il a fini 8ème du GP 160 du 4 étoiles de Bourg-en-Bresse avant d’être commercialisé. Tout cela en six mois…
Le plus long à venir c’est la confiance et le relâchement. Une fois que c’est acquis alors, si le cheval a le potentiel, on passe assez facilement les étapes. Et c’est très euphorisant quand cela vous arrive…
BIEN GERER LE MENTAL C’EST PRESERVER LE PHYSIQUE
Je suis hyper vigilant en ce qui concerne la condition physique des chevaux. Les blessures arrivent quand on est trop fatigués, quand on ‘en peut plus. C’est vrai pour nous aussi. Je suis cassé de partout et mon dernier accident à Saint-Lô m’a fait réfléchir. Il faut savoir s’arrêter, souffler, penser à autre chose pour pouvoir garder envie et fraîcheur. Pareil les chevaux: si on leur demande de forcer trop, le moral va en souffrir. J’ai décidé donc, après un bon début de saison, de les arrêter un petit mois avant les échéances du juin, juillet, août. C’est bon pour leur corps et, du coup, pour leur moral.
Comme je fais très attention, j’ai eu très peu de chevaux blessés ou arrêtés. Depuis que je me suis installé en 2009 j’ai n’au eu que deux cas d’arrêt prolongé: une tendinite et une blessure accidentelle. Mais, par contre, j’ai perdu deux chevaux d’une manière soudaine et imprévisible et en plus, en concours, donc tout le monde en a parlé. Les deux chevaux étaient entraînés, en forme, depuis un an dans mes écuries, on ne pouvait pas prévoir qu’ils puissent partir comme ça, d’une crise cardiaque ou d’une rupture d’anévrisme. C’est improbable, mais cela m’est arrivé deux fois. Comme je respecte beaucoup mes chevaux, les soupçons de maltraitance m’ont blessé profondément et je me dis que, parfois, le sort s’acharne.
JE VAIS A L’ECONOMIE
Le gros travail avec les jeunes chevaux se fait en hiver, pendant que les chevaux d’âge ne font plus de concours, seulement le travail d’entretien. C’est alors que les 5-6-7 ans font leur travail de base, de dressage. Pour les sauts, je fais au cas par cas et à l’économie, car moins ils sautent, plus on les préserve pour l’avenir. Les jeunes sautent uniquement la semaine avant le concours et ceux qui sont déjà dressés, qui n’ont aucun problème particulier à régler, sautent uniquement en concours. Candy de Nantuel a sauté à Sarthilly et va sauter au Pin, mais ne saute pas entre les deux concours.
POURQUOI TU NE FAIS PAS PLUS DE HAUT NIVEAU?
Combien de fois on m’a posé cette question… Les gens ne voient pas tout le travail qui doit être fait en amont. Et quand tout est en place, quand il manque juste 10% pour atteindre le haut niveau, alors c’est en ce moment que le cheval est commercialisé. Et c’est normal, c’est le deal.
C’est bien pour cela que l’association avec le GFE est un compromis idéal. On valorise les étalons dans le but de vendre les saillies. Il n’y a donc pas d’objectif de commercialisation rapide. Nous travaillons dans le respect mutuel – ils gèrent la carrière de reproduction, moi la carrière sportive tout en les tenant informés bien sûr.
Pour atteindre ce fameux haut niveau on a besoin des propriétaires qui investissent, qui permettent aux cavaliers de garder les chevaux sur le long terme. C’est grâce à eux que la France a pu devenir le Champion Olympique. C’est le plus beau qui puisse arriver à notre sport, ça nous fait rêver et c’est très bon pour la filière en ensemble.
MON REVE EQUESTRE
Mon rêve équestre ce serait de rencontrer un jeune cheval à 5-6 ans et d’aller avec lui jusqu’au bout. Partager le chemin ensemble pour arriver à une belle Coupe des Nations, à la Baule, par exemple. Gagner une Coupe des Nations de la Baule avec Candy de Nantuel ce serait ça, mon rêve réalisé! Et pourquoi pas? Je crois en lui, pour moi c’est un crack!
Il me fait penser à Quickly de Kreisker que j’ai monté à l’âge de 5 ans et j’ai dit à tout le monde qu’il était hors norme et on ne me croyait pas. Pareil pour Candy – mes je n’écoute plus ce genre de commentaires. Je l’avais essayé à Saint-Lô, il sortait de la période de prélèvement, il était très frais et joueur. Je n’avais pas la sensation de sauts importants mais quand j’ai vu la vidéo, j’étais assez impressionné. Et ça continue! Chaque fois que je sorte de piste avec lui, j’ai envie d’y retourner. Il a beaucoup de sang mais reste très calme, gentil, facile à soigner et manipuler. Adorable et tout le monde l’adore à l’écurie. L’émotion de la piste, qui rend timides certains chevaux, le révèle! Il entre en piste comme on rentre sur scène: il prend la pose, joue, mais reste très concentré à l’obstacle. Les moins regardants, ils les passe juste comme il faut, mais dès que je signale qu’il faudra faire un effort, il réagit immédiatement! Il a un super charisme et ça se sent. Il a sailli 500 juments en deux ans, c’est remarquable pour un jeune cheval sans palmarès. Je crois en lui très fort et j’espère que mon rêve équestre se réalisera un jour…
PROFITER DE LA VIE
J’aime les animaux, je suis passionné par la plongée sous marine.
J’aime aussi les gens, le partage, l’enseignement.
J’aime profiter de la vie, sinon l’existence serait bien monotone et sans saveur.
Il faut faire des efforts pour sauvegarder la joie de vivre!