Le mois d’août dernier j’ai quitté la Normandie pour m’embarquer dans une aventure aux Etats Unis en tant que cavalière soignante. J’étais engagé par le 45 meilleur cavalier d’obstacles au monde, le Chilien Samuel Parot. J’avais déjà une sacrée expérience en tant que responsable d’écurie et cavalier maison en Europe et commençais à être fatiguée par le travail incessant basé sur le sacrifice de la vie privée. Le rêve américain – pourquoi pas ! Mais après 7 mois aux Etats Unis, après avoir parcouru 30.000 km en 4 mois avec un pickup et un van de 25m transportant 6 chevaux pour participer aux meilleurs concours d’obstacles d’Amérique et de Canada, après avoir partagé des minuscules chambres de motels avec un collègue groom très sonore et très désagréable, après une diète radicale, après l’absence d’un seul jour de repos pendant la tournée, après 3mois à Wellington pour la saison d’hiver avec 13 chevaux – je me suis dit : ça suffit ! Je suis donc bien placée pour savoir dans quelle réalité les grooms et les cavaliers soignants se retrouvent tous les jours. Ils ont tous mon grand respect et mon admiration. Voici quelques réflexions écrites par un groom professionnel – il vaut mieux les avoir en tête si vous voulez prendre cette orientation professionnelle. Et si vous vous retrouvez dans ce portrait, j’espère que vous allez, tout simplement, vous sentir moins seuls. Myriam Latorre Tomas
10 BRUTALES VÉRITÉS SUR LA VIE DES GROOMS
- Adieu la stabilité
La plupart des grooms professionnels que je connais ne défont pas vraiment leurs bagages. Les choses sont toujours en mouvement et les concours s’enchaînent alors pas vraiment le temps de s’installer. Vous changez d’hôtel sans arrêt et toutes les semaines vous devez vider entièrement des boxes temporaires. Vous devez avoir constamment un GPS sur votre tableau de bord parce que vous ne restez pas assez long temps en un endroit pour que il devient familier.
- Adieu la famille
Quand vous êtes toujours sur la route c’est difficile de prendre le temps pour rendre visite à votre famille. La plupart de mes amies que sont dans le métier depuis longtemps n’ont jamais eu l’occasion de passer des vacances avec leurs proches. Et ça peut être difficile à vivre – le petit grandit, les anniversaires sont fêtés, les grand-parents tombent malades et ainsi les étapes de votre vie familiale se déroulent sans vous.
- Adieu la bonne santé
Je pense que mes collègues et moi-même nous sommes devenus les meilleurs sponsors de l’industrie pharmaceutique avec toutes nos courbatures, douleurs et raideurs. Le matin on se réveille boiteux, avec le temps on commence à devenir bossu à cause du poids extrêmement lourd des sacs de concours et on finit par devoir se faire opérer d’un genou. Un dos en bonne santé est un luxe rare dans ce métier. Le déchargement du matériel de camion, le déplacement des lourdes malles de concours, les chevaux qui vous tapent ou vous marchent dessus – quelques années dans cet métier et vous êtes plus boiteux et irascible qu’un vieux cheval de Grand Prix!
- Adieu la reconnaissance
Les grands cavaliers connaissent la valeur d’un bon groom. Mais j’ai entendu tellement de plaintes à propos de manque de respect de la part des clients riches et gâtés, regardant de haut le personnel que prend soin de leurs chevaux. Il y a aussi les employés surexploités traités comme des inutiles et des fainéants. Et même si tu es apprécié, après avoir passé toute une nuit au chevet d’un cheval en colique, quand tu dois commencer à faire les boxes à 5 h du matin, il est possible que tu trouves que ton travail est ingrat – surtout quand il est accompagné par un salaire de misère…
- Adieu l’amour fou des chevaux
C’est vraiment très dur à vivre. On a tous commencé à travailler avec les chevaux parce qu’on les aime, parce qu’ils nous rendent heureux et qu’on voudrait passer tout notre journée avec eux. Mais après quelques années de travail tu oublies parfois la raison pour laquelle tu les aimais si fort. Tu as l’impression qu’ils n’arrêtent pas de t’emmerder et justement, l’un d’eux vient de te marcher sur le pied! On s’agace quand les chevaux se comportent comme des chevaux en ayant peur de n’importe quoi car cela rend notre travail plus difficile. On commence à penser à eux comme à des collègues peu coopératifs. On peut même s’entendre dire: « Mon cheval a essayé de mourir cette nuit » en les rendant coupables des choses que vont au-delà de leur contrôle. On continue de les aimer, évidemment, autrement nous ne passerions pas 24 h en leur compagnie, mais cette excitation initiale qu’on sentait en regardant un cheval dans les champs est partie.
- Adieu les dadas
Tu aimais peindre ? Ou jouer de la guitare ? Ou faire du vélo ? Bon, oublie tout ça parce que le travail de groom ne te laissera pas le temps ni l’énergie pour avoir des hobbies. Tu manges, tu dors, tu respires cheval, tu parles que des chevaux et tu penses qu’à eux. Toutes les personnes de ton entourage travaillent avec les chevaux. Il n’y a pas la place pour rien d’autre.
- Adieu la nourriture équilibrée
Depuis que tu habites les chambres d’hôtel et tu fais des horaires de fous, ton quotidien c’est le fast-food. Tu n’as pas le temps pour t’asseoir et déguster un repas sain, donc des chips et des crackers seront des aliments de base de ton alimentation. La nourriture saine n’est pas une option envisageable. Par contre, tu seras obligé de prendre une quantité des potions énergisantes Red Bull en tête pour tenir debout et assurer – surtout quand il faut conduire le camion avec tes chevaux sur des longues distances et être opérationnel en arrivant directement sur le concours.
- Bonjour la fatigue
Tu es fatigué la plupart de temps. Et irascible. Tu as été épuisé et irascible si longtemps que cela semble juste faire partie de ta personnalité. Il est impossible de s’asseoir 10 min dans une voiture sans s’endormir. En fait si tu disposes de 10 min magiques pour toi, tu cherches un coin retiré pour faire une petite sieste. Il n’y a pas suffisamment d’heures de sommeil dans cette vie de groom pour se sentir bien reposé
- Bonjour la solitude
Je ne connais pas de groom de plus de 30 ans avec une longue carrière derrière lui qui soit marié ou vivant en couple. Maintenir une relation amoureuse quand on est tout le temps en voyage n’est pas facile. Une personne en dehors de monde équestre ne peut pas comprendre votre style de vie et pourquoi vous n’arrivez pas à trouver du temps pour eux. Trouver l’amour dans cet univers est presque impossible, surtout pour une femme. Un homme honnête, pas trop moche et fidèle est aussi rare qu’une licorne. Même si tu trouves quelqu’un sur les concours, des longues périodes de séparation sont inévitables et les relations à distance sont dures. C’est pour ça que les grooms sont des personnes solitaires.
- Bonjour tristesse
Avec tous ces voyages, tu as l’impression de quitter en permanence quelque chose. Tes collègues changent sans cesse. Clients arrivent et partent, les chevaux auxquels tu t’es attaché sont vendus. Le fait de dire tous les jours « au revoir » a des personnes, lieux et chevaux peut te briser le cœur.
Sans doute, le travail de groom est une vie difficile et ce n’est pas un travail pour les faibles de cœur. Mais pour certains, c’est la seule façon de vivre.
Brooke Nicholls travaille comme groom professionnel au Canada