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PERRINE CARLIER, UNE CAVALIERE RARE

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Perrine Carlier, une jeune cavalière de dressage performant à haut niveau, ne fait rien comme tout le monde. Installée dans un paradis équestre près de Pont l’Evêque, elle construit sa pratique équestre autour de l’écoute et du bien-être du cheval. Une rencontre très positive…

UNE JEUNE FILLE PASSIONNEE

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Mon père a été un passionné de trotteurs, il faisait un peu d’élevage et je le suivais partout. Il m’a communiqué cette passion qui ne m’a pas quittée depuis. J’ai vraiment commencé à monter à 12 ans et j’ai eu la chance de tomber sur une super monitrice qui m’a appris le respect du cheval. Mais je ne pensais pas en faire mon métier. Je voulais devenir vétérinaire, aider et soigner les animaux. Suite à une prépa à Paris, j’ai abandonné cette voie et je me suis engagée dans la pratique équestre. Le travail pour le compte d’un cavalier de CSO m’a bien plu et je suis allée par la suite me perfectionner en dressage. Discipline que je n’ai alors plus quittée !

Ma façon de travailler a séduit quelques propriétaires qui m’ont confié leurs chevaux et j’ai créé mon écurie de compétition en 2006 au Touquet. Depuis, j’ai eu la chance de suivre l’enseignement de grands cavaliers de dressage comme Monica Théodorescu, Dominique Flamant, Jan Bemelmans,  Françoise Kloninger ou Jan Nivelle. Je suis classée 15ème du classement national permanent des cavaliers Pro Elite.

L’AVENTURE NORMANDE

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Je suis arrivée dans la région en 2010 en suivant Vincent Mairesse qui est venu s’installer à Deauville Saint Gatien. C’est vraiment une région de cheval où on retrouve les plus grands professionnels, ce qui est très stimulant et très pratique aussi… A la même période, j’ai rencontré des propriétaires qui sont devenus des amis et qui ont voulu m’aider à m’installer. Notre projet au départ était modeste, je cherchais 1 ha de terrain pour pouvoir y installer une écurie. Mais c’était très difficile à trouver, dès qu’il y avait un peu de terrain, il y avait aussi une maison qui coûtait une fortune. Finalement, à la place d’un seul hectare, on m’a proposé 15 ha de terres agricoles ! Mes super associés ont été séduits et ont décidé de l’acheter. Et nous nous sommes lancés dans la conception et la préparation du projet. J’ai conçu les plans en m’inspirant du modèle allemand où le côté pratique est toujours prédominant. Le manège est grand et lumineux, les écuries se trouvent dans le même bâtiment, ainsi que les selleries, les salles de soins et même le bureau. Ce système permet en hiver d’évoluer sans s’exposer aux intempéries ! A l‘extérieur, on a une grande carrière de dressage, les paddocks d’été et d’hiver et une piste qui permet de faire le tour de la propriété sans la quitter ! Je me rends compte que je suis dans une situation privilégiée qui profite aussi bien à mes chevaux qu’à mes propriétaires.

ABSENCE DE PRESSION COMMERCIALE : UN VRAI LUXE

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Mes associés sont des gens généreux qui ont voulu construire un projet pour pouvoir évoluer ensemble sans pression commerciale. C’est une chance énorme pour une cavalière comme moi et c’est une chance que je cultive. Je travaille avec des propriétaires passionnés qui veulent progresser avec leur cheval ou bien j’ai des chevaux confiés pour la valorisation à long terme, dans le but de performance sportive et non pas de prestation commerciale rapide, notamment pour les jeunes chevaux de 4, 5, 6 ans qui viennent ici en formation.  J’accepte aussi des chevaux en dépôt vente, et dans ce cas, je cherche vraiment à bien assortir le cheval et le futur cavalier.

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IL FAUT ARRETER D’AVOIR PEUR !

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J’essaie de rendre mes chevaux heureux. Le confinement m’a d’ailleurs inspiré une petite « révolution ». Avec mon maréchal, nous avons eu l’idée de les déferrer, et ainsi, j’ai pu envisager de les mettre au paddock par deux, leur permettant de retrouver un peu de vie sociale, tellement importante pour leur bien-être. J’ai demandé l’accord des propriétaires qui étaient tous partants pour cette nouvelle expérience. Pourtant pas évident pour un cheval ferré depuis des années de se retrouver pieds nus et cela prend du temps pour qu’ils retrouvent un nouvel équilibre. Il y a aussi le risque de blessures. On a donc surveillé les nouveaux « couples ». Il y avait ceux qui se sont acceptés après les premières présentations d’usage et les autres qui ne s’aimaient pas du tout : il a fallu gérer rapidement les affinités. On a bien réussi, sans problème majeur, alors que ces chevaux vivaient seuls depuis des années ! Il y a eu quelques blessures superficielles et ce n’était pas bien grave par rapport au bénéfice. Le cheval est fait pour aller dehors, pour marcher, pour vivre à plusieurs. Avec le système sportif, on a un peu dénaturé et surprotégé les chevaux, moi la première. En les mettant dans des boxes ou paddocks isolés, on les empêche d’avoir des relations sociales entre eux qui sont essentielles à leur équilibre et épanouissement. Ce sont mes peurs qui me gouvernaient à ce moment-là et j’ai décidé de revenir à des pratiques plus simples et naturelles pour eux sans oublier l’objectif sportif. Je suis persuadée que le sport de haut niveau peut se pratiquer avec des chevaux déferrés qui vont ensemble au paddock. De plus en plus d’écuries s’y sont mises en France et cela existe depuis un moment à l’étranger. Je suis persuadée que le bien-être du cheval est bénéfique pour le sport.

JE PROGRESSE EN FONCTION DU CHEVAL

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Gracieux Vh Lindenhof, mon cheval de tête, est arrivé ici à 6 ans avec sa propriétaire qui l’a acheté pour elle, pour se faire plaisir. Mais il s’est révélé un peu compliqué, pas facile à monter, ombrageux et il lui arrivait toujours des problèmes. On a fini par se dire que ce n’est pas possible qu’un cheval aussi gentil à pied ait des réactions aussi démesurées sous la selle. Nous avons donc cherché la gêne possible et cette recherche a pris du temps pour connaître les personnes capables de trouver l’origine du problème. On a soigné son estomac, ses pieds et on a gagné sa confiance. Et plus il s’améliorait physiquement, plus il progressait au travail en démontrant de vraies capacités que je ne soupçonnais pas au départ – pour arriver au niveau du GP à 10 ans.

J’estime qu’il faut vraiment savoir écouter les jeunes chevaux et progresser en fonction de leur capacité physique. Il y a des moments dans leur croissance où ils sont mal dans leur corps et nous, si on a un concours ou une échéance à respecter absolument, on va solliciter les muscles et les articulations et les faire travailler dans la douleur. Cela aura, forcément, des répercussions au niveau physique ou psychique dans le temps. Adapter cette biomécanique si subtile à un circuit est un vrai challenge. Je l’ai compris en faisant moi-même des erreurs. Désormais, je pars de la base cheval, non de la base circuit et je m’entoure des gens qui pensent comme moi pour amener dans les meilleures conditions les chevaux vers leur objectif.

PARLE A SON INTELLIGENCE…

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Un grand moment avec Gracieux, je l’ai vécu pendant le stage avec Jan Nivelle. On était au niveau St Georges et on voulait avancer vers le Pro 1. Il m’a dit : « Ton cheval est hyper intelligent, parle à son intelligence. » Du coup, plutôt que de répéter, répéter et mécaniser, je lui suggérais…. Il réussissait deux pas de piaffer, je le félicitais comme s’il avait gagné la coupe du monde ! Il voulait alors refaire les choses parce que cela me faisait tellement plaisir ! Et on a progressé comme ça, en confiance. Je me suis retrouvée avec un cheval complice qui forme une équipe avec moi ! Je ne dois pas le porter, on est en interaction ensemble : si je cafouille, il rattrape et si c’est lui qui se trompe, je suis là pour l’aider. Ce sont des sensations incroyables, les sensations d’un vrai couple ! Il m’a aussi révélé – à travers la technique de la communication animale – mon manque d’assurance en concours. Le cheval l’a ressenti et m’a forcée à prendre confiance et à moins craindre le jugement extérieur. « Les chevaux sont des révélateurs de l’âme » a dit quelqu’un un jour…

LE DRESSAGE, POUR UNE EVOLUTION DANS LE SENS DU CHEVAL

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Le dressage manque un peu de popularité en France. Il est souvent associé à quelque chose de laborieux autant pour le cheval que pour le cavalier. Alors que l’objectif de cette discipline est tout le contraire.

Je sais bien que le dressage n’a pas toujours une bonne image. Il faut bien admettre des abus mais je veux croire à l’évolution positive de cette belle discipline. Il y a des signes positifs : la réglementation de serrage de la muserolle, la bride non obligatoire pour les épreuves préparatoires pour les GP (toujours obligatoire dans les GP, hélas). L’exemple des Anglais, Charlotte Dujardin, Carl Hester  qui nous proposent une belle équitation, nous ont fait beaucoup de bien! On peut vraiment travailler cette discipline dans le respect du cheval, j’essaie de le démontrer en apportant ma petite graine à cette évolution positive. Le cheval, qui est stressé sous la selle au cours du travail à la maison, sera d’autant plus stressé en concours. En revanche, celui qui fait confiance à son cavalier, va stresser au début, mais le lien de confiance qu’il a avec son cavalier va l’aider à gérer son stress.  Mais gagner la confiance de son cheval n’est pas si simple ! Il faudrait commencer dès le niveau amateur, en partant du cheval et non pas de l’exercice que l’on veut obtenir ! Si l’exercice est difficile à réaliser alors qu’on a l’impression de le demander correctement, il faut essayer de comprendre pourquoi l’animal ne peut pas y répondre. Si on l’y oblige par la force, on va travailler dans la douleur et détruire la confiance. C’est très triste car les chevaux sont tellement généreux, toujours prêts à donner et à pardonner nos erreurs. On use et on abuse de leur générosité.

Il faut aussi admettre que tous les chevaux ne peuvent pas toujours répondre à nos attentes. En dressage, on regarde les allures magnifiques des chevaux, mais parfois ils ne sont pas capables d’apprendre les exercices d’une certaine complexité. Si quelqu’un m’avait dit au début que Gracieux deviendrait mon cheval de tête, je ne l’aurais pas cru, alors que le cheval, en qui je croyais très fort, est devenu aujourd’hui un super cheval d’instruction qui fait plaisir à tous les cavaliers à qui je le confie. Beaucoup de chevaux se déclenchent à 7 ans. Une chose est sûre, quand on veut forcer les choses, souvent ça casse !

SOYONS FOUS, SOYONS HEUREUX….

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Mon objectif d’avenir est de faire du haut niveau, d’enseigner et de montrer que l’on peut faire du beau dressage ! Ce que je préfère, ce sont des leçons qui se terminent avec un cavalier et un cheval satisfaits tous les deux… Le couple fonctionne bien quand les deux vont bien, donc il est important que le cavalier fasse également attention à sa santé et à son corps. Tout dysfonctionnement humain se répercute souvent immédiatement sur la monture.

Depuis quelques années déjà, je travaille avec des professionnels de la communication animale. C’est vraiment génial pour quelqu’un qui cherche à comprendre l’animal et à calmer ses angoisses. Par exemple, pour le confinement, on a expliqué aux chevaux que les propriétaires ne pouvaient pas venir mais ne les abandonnaient pas. C’était important, car leurs relations sont souvent très fortes et une séparation forcée crée des tensions pour tous les deux. Une autre fois, j’ai eu un problème avec mon entier qui s’arrêtait et restait bloqué pendant la séance sans raison apparente. J’ai appelé la communicatrice qui m’a dit qu’il s’était fait mal au paddock la veille. J’ai évité ainsi une séance stressante et douloureuse et un conflit qui aurait pu détruire une relation de confiance. On pourra dire que je suis un peu « illuminée » mais ça ne me dérange pas. Je préfère être illuminée avec les chevaux heureux que raisonnable avec les chevaux malheureux.

 

Julie en action équestre...

JULIE ULRICH UNE AMERICAINE EN NORMANDIE

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Son savoir équestre pourrait obtenir le label « patrimoine immatériel » de l’Unesco. Sa gentillesse et sa bienveillance égalent son sens d’humour. JULIE ULRICH a choisi la Normandie pour y vivre et transmettre sa connaissance de l’art équestre. Elle nous offre un beau voyage à travers sa vie et ses expériences.

J’ETAIS AMOUREUSE DES CHIENS ET DES CHEVAUX

Je ne suis pas née dans les chevaux… Mon père était chimiste, a fait plusieurs découvertes, ma mère était femme au foyer, j’ai eu une enfance agréable et protégée. J’adorais les animaux, surtout les chiens et les chevaux. Je me baladais à travers la campagne et je caressais tous les chevaux que je rencontrais. Et un jour, j‘avais alors 11 ans, je me suis fait mordre par un shetland. C’était une belle morsure et le propriétaire du shetland, un marchand de chevaux, a été catastrophé. Il m’a dit : « Jeune fille, si tu ne dis pas à ton père que c’est mon poney qui t’a mordue, je vais t’apprendre comment monter sur un poney ». J’ai dit YES, très bonne idée, et tout a commencé ainsi. Je montais le poney tous les jours, puis je me suis retrouvée à monter les chevaux et le marchand a fini par vendre les chevaux qui ont été montés et valorisés par une jeune fille – moi !

J’aimais tellement les chevaux que je voulais me perfectionner, gagner en finesse, je lisais tout ce que j’ai pu trouver sur les méthodes : américaine, française, allemande. Je vivais et pensais chevaux, je montais, je sortais en concours un peu partout, j’étais comblée. J’ai commencé l’université très tôt à 16 ans et je l’ai quitté à 17 ans pour me marier avec un marchand de chevaux. Une décision qui m’a valu bien des ennuis car mon père a été très fâché et ne m’a pas parlé pendant 5 ans ! Il m’a aussi coupé tous les vivres, j’ai dû apprendre la vie « ordinaire », c’était assez dur.

ECOLE ESPAGNOLE, LA REVELATION

Karl Mikolka, le Maître de Vienne

Karl Mikolka, le Maître de Vienne

Avec mon mari, on avait à l’époque une écurie avec 115 chevaux – les chevaux de commerce, mes chevaux de sport, les chevaux de propriétaires, les chevaux d’un petit centre équestre. Je montais alors 14 chevaux par jour, le premier à 4h du matin, le dernier à 15h, pour donner ensuite des cours aux enfants. Et les week-ends, je montais dans les GP de saut d’obstacles. On peut dire que j’avais des journées bien occupées pendant 30 ans !

Un jour, la fameuse Ecole d’équitation espagnole de Vienne (qui n’a rien à voir avec l’équitation espagnole et utilise la méthode allemande de Weyrother) dirigée alors par Alois Podhajsky, un grand écuyer et un grand dictateur, est venue en tournée aux USA avec leurs quatorze étalons lipizzans pour présenter un spectacle magnifique. Après la dernière représentation à Boston, où se trouvait notre écurie, j’ai décidé de les inviter chez nous. Ils ont accepté, ils étaient vénérés dans leur pays mais peu payés par leur gouvernement. Ils sont venus chez nous et ont été très impressionnés par notre confort matériel le grand manège, les camions etc. Mais pas par mon niveau d’équitation… Le soir de leur venue j’ai déroulé devant eux une reprise niveau St Georges avec mon meilleur cheval de Grand Prix. Après les premiers pas ils ont commencé à rigoler et quand j’ai terminé ma reprise ils étaient carrément pliés de rire. Je riais avec eux mais je ne savais pas trop pourquoi. Karl Mikolka, 3ème dans la hiérarchie à l’époque, a donc pris mon cheval et a déroulé une reprise St Georges tellement rapide que j’ai cru que c’était un barrage ! A la fin il m’a dit : « Votre cheval n’a pas le niveau mais il est bien obéissant et veut bien faire. Mais vous, Madame, vous ne connaissez rien ! » Je lui ai dit : Oui, pour cela je veux apprendre ! Il est resté 5 ans chez nous et ça a changé complètement ma vie équestre !

FORMATION D’UN CHEVAL DE CSO PASSE PAR LE DRESSAGE !

Julie en action équestre...

Julie en action équestre…

Une fois que j’ai acquis un assez bon niveau en dressage je pouvais former les chevaux de saut d’obstacles. Beaucoup de choses peuvent être améliorées par un bon dressage : mauvais geste devant, mauvais passage de dos, manque de force, manque de souplesse, tout cela peut être travaillé et amélioré. Avec les connaissances que j’ai reçues, j’ai été capable de former un cheval qui participe au GP de dressage et de saut d’obstacles également. Et qui fait cela avec envie, pas par crainte et domination. Quand je suis arrivée en Europe on était déjà conscient de ce lien si fort entre le dressage et l’obstacle. C’était ainsi en Allemagne, en Suède, aux Pays Bas, en Belgique, mais pas en France ! La France est un autre pays, où on ne doit pas utiliser le mot « dressage » et « obstacle » dans la même phrase !

WELCOME TO NORMANDIE !

Jack Le Goff et sa méthode

Jack Le Goff et sa méthode

J’avais une vie très confortable aux USA, bien installée en Virginie avec mes chevaux, mes clients et élèves et la possibilité de participer aux beaux concours, mais j’avais l’impression de stagner, de m’enfermer dans une routine. En plus, après mon divorce, je me suis sentie libre, je voulais progresser avec les maîtres en Europe et m’installer dans un pays dont j’ignorais la langue – la France ! Mon challenge était de savoir dans combien de temps j’allais retrouver le même niveau de confort qu’aux USA. J’étais confiante car je suis un bon pédagogue, je pouvais enseigner, je pouvais former des chevaux, je pensais donc que j’allais trouver ma place assez rapidement. Quelle erreur !  Tout d’abord personne ne voulait prendre de leçons. Pourquoi faire ? Et les éleveurs n’avaient pas d’argent pour me payer la formation de jeunes chevaux. En plus, personne ne comprenait mon français…

Je me suis dit ok, dans ce cas, je vais devenir marchand de chevaux. Je vais les acheter, former et revendre à mes clients et élèves aux USA. Très bonne idée, n’est-ce pas, car il y a de super chevaux en Normandie ! Je me suis donc rapprochée de Germain Levallois en lui demandant si son cheval, un très bon 4 ans, était à vendre. Il m’a répondu : « Il est là votre mari ? Non ? Et votre frère non plus ? Vous êtes seule ici et vous êtes marchand de chevaux ? Ah bon…. Alors non, le cheval n’est pas à vendre. » Simplement parce qu’il ne savait pas comment discuter le prix avec une femme ! C’était pareil pour Alexis Pignolet et Fernand Leredde, impossible de discuter. J’ai fini par communiquer avec des cavaliers, c’était beaucoup plus simple ! Ainsi j’ai pu acheter pas mal de chevaux, je les ai formés, montrés en concours et du coup on m’a confié les chevaux également. J’ai fini par me faire une place mais c’était beaucoup plus long que prévu et les premières six années ont été vraiment très dures. Mais j’y suis arrivée quand même alors que plusieurs amis, comme George Morris, pensaient que j’allais tenir trois ans et me précipiter pour rentrer !

ADIEU LA PISTE CHAMPETRE !

La piste de St Lo aujourd'hui...

La piste de St Lo aujourd’hui…

La Normandie a beaucoup changé depuis cette époque ! Quand je suis arrivée, en 94, le premier concours que je suis allée voir de côté de Bayeux, c’était un champ sur lequel un tracteur a déposé quelques obstacles, j’étais un peu choquée. Je me rappelle très bien qu’au début, quand Jean-Paul Lepetit construisait une ligne un peu plus technique, tous les cavaliers lui tombaient dessus. « Mais non, ce n’est pas possible, ouvre cette ligne Jean-Paul, c’est beaucoup trop difficile pour un jeune cheval ! » Mais Jean-Paul n’a jamais abandonné l’idée de construire les pistes qui forment les cavaliers et les Normands ont fini par être fiers de leur chef de piste. En effet, les parcours d’aujourd’hui ont la même finesse et difficulté technique en Normandie qu’ailleurs dans le monde. Jean-Paul et les autres ont ainsi contribué au changement d’équitation – dans la finesse, avec les chevaux parfaitement dressés à la maison. Car les chevaux ont évolué aussi, ils sont plus légers, plus rapides, plus sensibles et il faut les monter avec beaucoup de subtilité. Les éleveurs, comme mes amis Bernard Lecourtois ou Jean-Luc Dufour, ont fait un travail formidable dans le bon sens de l’évolution du sport, en acceptant l’apport du sang étranger. Ainsi, dans les compétitions locales en Normandie il y a des couples qui évoluent aussi bien que ceux qu’on admire en compétions internationales. Et les cavaliers de jeunes chevaux ne sont pas les mêmes qu’avant non plus. Ce n’est pas grâce à moi mais j’en profite. Car il y a beaucoup qui m’appellent et qui me demandent de les aider à travailler dans le bon sens. Avec le sport aussi technique il n’est plus possible de s’en sortir tout seul sans aide d’un bon coach. Autrefois, un cavalier avec un bon feeling et du talent pouvait tout gagner avec un seul cheval. Aujourd’hui c’est impossible, pour se maintenir au top il faut avoir au moins 5 ou 6 chevaux de top niveau. Il faut donc les former avec une bonne méthode !

LA TRANSMISSION C’EST VITAL !

Julie aime transmettre...

Julie aime transmettre…

Chaque cavalier avec du talent et une méthode de travail est capable de former plusieurs chevaux et plusieurs cavaliers qui, à leur tour, vont former d’autres cavaliers. Aux USA, dans les années 50, on a fait venir le Hongrois Bert de Némethy avec une mission d’entraîner l’équipe américaine composée de couples hétéroclites. Il a été catastrophé mais comme il avait un très fort caractère et une bonne méthode hongroise, il a formé George Morris, Katy Prudent, Chris Kappler qui, à leur tour, ont formé les autres. C’est comme une pyramide, on finit par construire un vrai système.

Dans les années 60 nous avons volé à la France Jack Le Goff, écuyer du Saumur, un représentant parfait de l’Ecole de l’équitation française, un cavalier olympique et coach de l’équipe française du concours complet, qui est venu former notre équipe nationale du CC. Jack aussi était un dictateur total, mais il a formé les cavaliers qui ont été très performants et médaillés internationaux et ces cavaliers ont formé les autres à leur tour. Aujourd’hui on refuse de subir cette tyrannie « à l’ancienne », on dit que c’est trop dur ! Mais moi j’ai eu la chance de suivre l’enseignement de plusieurs de ces « dictateurs » et je suis formée pour utiliser plusieurs méthodes : Française, Capprilli, Américaine, Weyrother. Merci mon grand âge ! Je peux ainsi décider quelle méthode utiliser en fonction du cheval et en fonction du cavalier aussi ! Après il faut rester flexible et s’adapter sans cesse au vivant !

OU SE FORMER EN FRANCE ?

Voilà la question. Il y a l’Ecole de Saumur, mais c’est très difficile d’y accéder et on y reste 3 ans, mais à part cela, rien. Quand j’avais mon écurie en Virginie, Henri Prudent me demandait souvent si je pouvais accueillir les jeunes stagiaires français. Ils venaient à la maison, montaient tous les jours plusieurs chevaux sous ma tutelle et partaient avec une méthode de travail. Quand je suis arrivée en France, c’était terminé, je n’avais plus les moyens ni les structures pour les de les accueillir. Et aussi à l’époque tout était moins cher, je pouvais prendre un élève qui faisait les boxes le matin et montait à cheval en prenant les cours l’après-midi. Je pouvais former ainsi plusieurs jeunes cavaliers   gratuitement. Mais aujourd’hui c’est impossible, l’élève doit avoir un cheval et même plusieurs chevaux pour progresser vraiment. Et il ne suffit pas de prendre une leçon d’une heure par semaine, pour progresser vraiment, il faut monter 4 heures par jour !

J’ai actuellement deux élèves formidables : Kevin Staut et Amy Graham. Ils sont vraiment avides du savoir, ils veulent connaître les moindres détails de ce que je peux transmettre. Je passe des heures et des heures avec eux pour redonner le savoir que j’ai reçu du monde équestre. De Reiner Klimke, de Jack Le Goff et des autres qui m’ont transmis leur savoir gratuitement, avec toute leur bienveillance. Je forme les disciples avant de prendre ma retraite, sinon quel sens donner à tout mon parcours et tout mon travail ?

EQUITATION EST UN SPORT INTELLECTUEL

Tout le monde pense que l’équitation est un sport physique mais non, c’est un sport intellectuel. Il faut COMPRENDRE ce qu’on demande au cheval, comprendre de quelle façon il réagit à la demande et comprendre de quelle façon on peut améliorer cette réaction. Il y a des cavaliers qui résistent, qui disent non, moi je monte à l’instinct et je ne peux pas monter les foulées et les compter en même temps. Cela demande des heures pour comprendre et pour apprendre, donc, c’est intellectuel.

Et pour cela on a besoin d’un regard extérieur, besoin d’un coach. Quand j’étais jeune je pensais moi aussi qu’il me suffit de lire les livres, pas la peine d’aller à l’université. Mais non, sans professeur je ne comprends rien, il faut toujours quelqu’un pour interpréter et c’est encore plus vrai quand il s’agit d’équitation.

LES CAVALIERS DE HAUT NIVEAU ONT LE DEVOIR DE TRANSMETTRE LEUR SAVOIR

Malheureusement, actuellement, en France, il est très difficile de trouver un coach d’un bon niveau. La fameuse Ecole française d’équitation n’est plus enseignée véritablement, les cavaliers de bon niveau ne forment pas, juste donnent des stages, ce qui n’est vraiment pas suffisant. Il faut une immersion totale avec un bon professeur pendant 1 an ! Ici la formation générale est assurée par les moniteurs qui ont été formés à leur tour par les moniteurs pas vraiment compétents. Ce n’est pas une bonne chose pour l’équitation du tout.

Aux USA c’est différent. Les élèves se forment dès leur jeune âge et apprennent à bien monter, pas aller au plus vite en faisant n’importe quoi sur leur poney. A l’époque, je donnais à mes jeunes élèves de 10, 11 ans la possibilité de monter mes chevaux de GP de dressage et d’obstacle. C’est très instructif ! On apprend par les chevaux déjà formés ce qu’on cherche à obtenir. Bien sûr, il faut tomber sur quelqu’un de généreux qui veut transmettre. Reiner Klimke, le champion olympique de dressage allemand en me voyant concentrée au bord de la piste, m’a proposée de monter Mehmed, son champion d’Europe. J’avais peur, mais il m’a rassurée en disant qu’un cheval bien formé va interpréter et comprendre ce que tu veux de lui. Il m’a dit : « Imagines toi que c’est ta grand-mère qui va monter après toi. Il faut que ton cheval comprenne ce qu’il faut faire et qu’il reste calme. Voilà le secret d’un bon dressage. » Et c’est ainsi que j’ai formé des dizaines de chevaux qui ont formé des cavaliers et des dizaines d’élèves qui à leur tour ont formé d’autres cavaliers et d’autres chevaux.  Et c’est ainsi qu’on construit l’avenir !

En France, il faudrait que les cavaliers de haut niveau prennent la responsabilité pour le futur de notre sport !!! On ne peut pas dire : Je suis en haut, je profite, je fais de beaux concours, je gagne les épreuves et je gagne l’argent et je laisse aux moniteurs le soin de former les jeunes. C’est complètement irresponsable ! A moment donné, quand on baisse le rythme des concours, il faut former les autres, redonner ce qu’on a reçu ! 

ET LES CHEVAUX ALORS ?

Quand je suis arrivée en France, j’avais l’impression qu’on perdait 50% de chevaux à cause d’une mauvaise exploitation. Aujourd’hui c’est beaucoup mieux, on se rend compte qu’on peut blesser le cheval physiquement, qu’on peut aller trop vite ou trop doucement, faire un mauvais choix de méthode, être trop ou pas assez exigeant, on peut faire beaucoup de bêtises. On a compris également que le cheval a mérité le respect – tout le monde est d’accord avec ça aujourd’hui.

Quant à haut niveau, il s’est fait dominer par le commerce. Au départ nous avions l’art équestre, ensuite sport et art et aujourd’hui nous avons commerce, sport et art. Je suis contente de travailler avec les deux cavaliers pour qui art et la manière de monter, de construire les parcours est aussi importante que l’envie de gagner. Il y a des cavaliers de haut niveau chez qui la priorité absolue c’est de gagner ! Moi j’adore gagner, je suis compétitrice mais pas au risque de perdre mes principes !

QUELLE VISION D’AVENIR ?

Je suis Américaine donc optimiste de nature ! Je pense que les choses évoluent dans le bon sens, qu’il faut continuer à expliquer, à enseigner, à donner l’exemple, à construire les bons parcours et avoir la foi en avenir ! En arrivant en France j’ai été frappée par cette manière de dire : c’est bien mais ce n’est pas possible ! J’ai toujours pensé que chacun né avec un talent qu’il faut découvrir et l’utiliser – qu’il s’agisse d’énergie, d’intelligence, d’endurance. Moi j’ai beaucoup d’énergie, une bonne capacité de concentration et je suis positive. Mon talent équestre n’est pas naturel, j’ai tout appris. J’ai fait beaucoup de lectures, j’ai suivi de bons professeurs, j’ai regardé de bons cavaliers et j’ai monté de bons chevaux. Et j’ai toujours accepté de me remettre en cause pour me perfectionner encore et encore. Chaque jour nous apporte une occasion d’apprendre quelque chose. Et c’est vraiment possible !

 

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LAURENT GOFFINET: FLIPPER M’A TOUT APPRIS

Atome des Etisses... en attente de nouvelles aventures!

Atome des Etisses… en attente de nouvelles aventures!

UNE HISTOIRE DE FAMILLE ….

Mes parents avaient un élevage à côté de Ste Cécile dans la Manche et mon père montait en concours… je côtoyais donc les chevaux depuis la naissance. J’adorais les courses de poneys dans la campagne en en plein champ, il fallait s’accrocher pour rester en selle! A 8 ans je suis arrivé ici, où nous sommes aujourd’hui, au Club de la Renarderie au Mesnil Clinchamps, et à 12 ans je suis allé me perfectionner chez Alain Hinard. Les chevaux m’occupaient tellement que j’ai arrêté l’école à 16 ans pour faire le CAP de tourneur-fraiseur. Tout simplement parce que cette école était proche de mes parents et que je pouvais monter tous les soirs.

Je dois beaucoup à mes parents qui menaient une vie modeste mais ils se sont toujours sacrifiés pour pouvoir me payer les cours à la Renarderie ou chez Alain Hinard. Ils ont refusé de vendre leurs bons chevaux et les ont gardés pour moi. Quenotte du Bois, par exemple, une top jument avec qui j’ai beaucoup gagné. C’est peut-être la chance ou le destin, mais j’ai toujours eu des chevaux compliqués mais de qualité. Hirondelle, une petite ponette, a été mon premier profeseur. Si je montais bien, je pouvais gagner même devant les chevaux, si je montais mal, elle s’arrêtait net et je volais. Quenotte du Bois étais aussi délicate et respectueuse, elle me donnait tout quand je la montais bien. Du coup, je n’affectionne pas un type de monture en particulier, j’ai appris à m’adapter à chaque cheval.

PAS DE CHEVAL « CLE EN MAIN »

le survivant

J’ai toujours formé mes chevaux pour pouvoir évoluer ensuite à un bon niveau. Il y avait bien l’exception avec Valentin Palluer  qui est arrivé avec quelques bons résultats en puissance, mais il était mal dans sa peau et rétif, et il m’a fallu une année pour construire une entente avec lui. Nous avons ensuite beaucoup gagné – y compris le GP NHS à Saint-Lô – avant qu’il ne soit vendu.

Mais jamais on m’a apporté un cheval clé en main. Comme j’avais cette réputation de monter les chevaux délicats j’en accueillait beaucoup. Et j’ai une certaine fierté car tous les chevaux qui ont gagné avec moi ont été fabriqués par moi !  

J’AI BESOIN DE TRAVAILLER EN CONFIANCE…

A partir de 16 ans j’ai commencé à prendre les premiers chevaux en pension… M. Clouard, l’un de mes premiers propriétaires de l’époque – j’étais Champion de France 2ème catégorie avec Balalaika, une jument de son élevage – est d’ailleurs toujours avec moi. Et j’ai plusieurs autres éleveurs qui sont à mes côtés depuis des années. Avec Haras de Lacke nous sommes en partenariat depuis 15 ans. Au départ, ils avaient l’idée de lancer un haras pour les chevaux de dressage et c’est une amie commune qui a fait évoluer le projet en pensant à moi. Laurence et Karine sont restées fidèles alors que je suis loin de leur haras de Deauville et que les cavaliers les sollicitent constamment pour proposer leurs services. Une telle fidélité me touche profondément.

Je suis ainsi – j’ai besoin de travailler en confiance ! Si la confiance fait défaut, je préfère rendre le cheval, même s’il est bon. La confiance c’est primordial ! On fait un métier très dur, on se remet beaucoup en question mais on n’est pas des robots, ça peut nous arriver de faire une erreur. Si un propriétaire n’accepte pas cette évidence, je ne peux pas travailler pour lui. Quand je vois arriver un cheval de 10 ans qui a déjà eu 5 cavaliers sur le dos je préfère décliner la proposition, car je ne suis pas capable de me dire : allez, tu profites du cheval au maximum tant que ça dure… Je ne sais pas fonctionner ainsi.

Il y a quelques années je me suis cassé une jambe très méchamment et je suis resté 8 mois sans monter à cheval. J’avais très peur de tout perdre, peur de voir mes écuries se vider. Mais non, personne n’est parti. Je remercie encore Guillaume Batillat qui est venu travailler mes chevaux et qui n’a même pas essayé de récupérer quelques propriétaires en partant. Un garçon vraiment honnête.

JE VOULAIS TOUT ARRETER AU MOMENT DE LA RETRAITE DE FLIPPER

Flipper d'Elle, un sportif et un reproducteur hors norme...

Flipper d’Elle, un sportif et un reproducteur hors norme…

J’ai eu vraiment envie de tout arrêter au moment où Flipper partait à la retraite. J’ai traversé alors une période de turbulences: une séparation dans ma vie personnelle, les difficultés professionnelles et l’arrêt de la carrière de Flipper. Tout cela a été trop difficile à porter, je n’avais plus envie de me battre. J’ai rebondi grâce à mon partenariat avec le Haras de Lacke.

En effet, en 2009, je ne supportais plus la pression qui m’a accompagné tout au long de ma carrière avec Flipper.

L’histoire a commencé en 1997 quand Guy Bideault, le directeur du Haras National de Saint-Lô, m’a promis 2 étalons à confier. Finalement il a changé d’avis et m’a proposé un jeune entier de 4 ans que le Haras venait d’acheter aux ventes NASH. C’était Flipper d’Elle, il était simplement débourré, on a donc gravi tous les échelons ensemble. Pour arriver aux JEM, aux Championnats d’Europe, au classement du meilleur cavalier français pendant 2 années avec un seul cheval ! Il m’a fait vivre un rêve de gosse. J’ai voyagé dans de beaux pays, j’ai fait les plus beaux concours, les plus belles Coupes des nations, les JEM d’Aix-la Chapelle où j’ai été 6ème de l’épreuve Vitesse et le meilleur cavalier français. J’ai gagné le titre de Champion et deux fois de Vice-Champion de France. Mais je ne supportais plus la pression. Pendant 11 ans de notre route commune, je me demandais chaque année si j’allais garder mon cheval !

Au départ, Flipper devait rejoindre Julien Epaillard à l’âge de 6 ans. Heureusement pour moi le directeur suivant du Haras, M. Nantais, m’a assuré que j’allais le garder tant que j’avais des résultats… Mais un jour, avant le départ pour le Championnat de France en 2002, il m’appelle et m’annonce : « Je suis désolé, je ne peux plus rien faire, ils sont allés au ministère de l’Agriculture pour te l’enlever… à moins que tu fasses une performance à ce championnat ». J’ai gagné le Criterium du Championnat, mais je n’en garde pas un bon souvenir. Chaque année il y avait des cabales pour me l’enlever, c’était usant. Même au moment où Flipper arrêtait le sport, j’ai dû me battre pour le garder chez moi, pour lui offrir une retraite tant méritée car ils voulaient le confier à un jeune cavalier ! Je trouvais que, vraiment, mon cheval ne méritait pas ça !

FLIPPER M’A TOUT APPRIS !

Laurent et Flipper, unis pour toujours...

Laurent et Flipper, unis pour toujours…

Dans ma jeunesse je montais beaucoup de chevaux sensibles et délicats. Mais Flipper c’était encore autre chose ! Il avait un caractère, une volonté hors de commun. Il m’a appris comment il fallait le monter, comment gérer un cheval et le faire monter en puissance. Une grande école… Si j’insistais alors qu’il n’était pas d’accord avec ma façon de le monter, il me sortait de la carrière et il rentrait au boxe. Il a vraiment une personnalité exceptionnelle ce petit cheval de 1,60! Aujourd’hui il a 27 ans, bon moral, fait toujours la monte, mais revient l’hiver à la maison où il a ses habitudes, son paddock. Il y a 4 ans je le montais encore en balade mais il était tellement fougueux que j’ai été obligé d’arrêter. On a de plus en plus de mal de le garder en état et ça me rappelle qu’il vieillit. Le jour où il va partir ce sera très, très dur pour moi et ça va vraiment marquer la fin d’une époque…

FAIRE CORPS AVEC LE CHEVAL

Que ce soit un cheval capable de gagner 130 ou 160, j’adore quand il arrive en piste avec envie de se battre et de gagner ! C’est une sensation extraordinaire et les victoires à 130 ont pour moi autant de valeur que les victoires à 160, je respecte tous ces chevaux autant !

Ce qui est difficile, c’est de repartir toujours de l’avant, de résister aux coups durs, aux coups de sort. Quinette du Quesnoy par exemple, on y a cru très fort, je l’ai préparé, elle a commencé à bien se démarquer : 2ème dans le GP de Dinard, 2ème de la Coupe des Nations de Sopot, 2ème du GP 2* à Paris, 3ème du GP 4* de Rouen et puis, alors qu’elle a été parfaitement préparée et en condition, un coup de tendinite et tout s’arrête, c’était difficile à admettre et à vivre. Mais c’est comme ça, on travaille avec du vivant et parfois ça ne passe pas alors que tout semble parfaitement géré et parfois c’est le contraire, on tape toutes les barres et rien ne tombe….

JE CROIS QUE JE SUIS TROP ATTACHE A MES CHEVAUX ET LEUR DEPART ME FAIT SOUFFRIR…

Quantar des Etisses était un entier délicat, très doué, mais je ne savais jamais comment il allait se comporter… Je me rappelle, à Bethune, dans la qualificative pour le GP il a fait 3 ou 4 barres en pensant à autre chose et après il a gagné le petit GP ! Il a aussi super sauté à Paris, il a signé 2 victoires dans le concours 2* et il s’est classé 2ème derrière Steve Guerdat dans le 5*. On a eu une bonne offre et on l’a laissé partir aux USA. Là-bas ils l’ont castré et il gagne avec sa gentille cavalière – on suit leurs exploits avec plaisir!

J’aime bien que derrière chaque vente il y ait une belle rencontre, une belle histoire entre le cheval et son futur cavalier. Hélas, c’est devenu tellement difficile dans le monde d’aujourd’hui…

Le commerce est indispensable, il faut admettre que ça fait vivre tout le monde, mais je crois que je suis trop attaché à mes chevaux et leur départ me fait souffrir…

MON OBJECTIF N’EST PAS DE GAGNER LES CHAMPIONNATS DES 6 ANS MAIS PREPARER L’AVENIR !

Elwood Blues, un entier de 6 ans, très prometteur...

Elwood Blues, un entier de 6 ans, très prometteur…

J’adore préparer les chevaux pour leur donner la chance d’aller au plus haut niveau. Cette année j’ai quatre 6 ans qui ont un gros potentiel. J’ai déjà prévenu les propriétaires que je ne veux pas être champion des 6 ans à tout prix ! Ils vont faire les 6 ans, bien sûr (si la situation générale le permet), mais je ne vais pas leur demander de tout donner pour cet objectif. Comme avec Atome des Etisses (Mylord Carthago X Quidam de Revel) que j’ai récupéré à 5 ans. On me disait à l’époque : mais il est lent, il n’a pas de technique, pas de sang etc… mais il ne faut pas écouter les gens, il faut écouter son ressenti. La première fois que je suis monté sur Atome il n’y avait qu’une seule chose qui me faisait peur – il n’aimait pas la piste. Il était puissant et doué mais il s’excusait presque d’être là pendant le concours. A 6-7 ans je l’ai donc amené à Vilamoura au Portugal pendant un mois pour l’endurcir, je le prenais pour les remises des prix pour qu’il s’habitue au bruit, à la musique et puis, tout d’un coup, il a passé le cap.

Là je vais partir à Vejer de la Frontera en Espagne pour 3 semaines et du coup mes jeunes chevaux vont débuter plus tard. Si on est qualifié pour Fontainebleau, tant mieux, on va y aller pour leur donner l’expérience, mais mon but n’est pas être un champion des jeunes chevaux. J’ai actuellement quatre 6 ans, dont 2 étalons qui sont très bien. Express de Hus (Conrad X Quick Star) a été monté par son propriétaire l’année de 4 et 5 ans et il m’a proposé car le cheval a un vrai potentiel. Il m’a dit : « Je sais que tu ne veux pas être champion des 6 ans à tout prix et que tu vas bien préparer le cheval ». S’il est champion, tant mieux, mais mon but est de le préparer à sauter les plus beaux parcours. Il sera vendu car c’est cheval d’une très grosse qualité et il n’est pas sûr que je puisse le garder. Mais s’il fait de belles épreuves avec un bon cavalier, je serai content !

Le 2ème étalon, Elwood Blues (Ogrion des Champs) est aussi un phénomène. Après le premier saut j’ai eu une si bonne sensation que j’ai appelé le propriétaire en lui proposant une bonne offre d’achat. Et il m’a répondu : « Garde ton argent, c’est de toute façon toi qui vas le monter ». Il a fait les 4 et 5 ans et en 2 saisons il a fait une seule faute, il termine 7ème de la finale des 5 ans. Il est très doué, on verra où il pourra nous amener…

AVEC L’EXPERIENCE J’AI APPRIS LA PATIENCE

Je passe beaucoup de temps à travailler mes chevaux et avec l’expérience j’ai appris la patience. J’aime bien les travailler bas, rond, avec du rebond. J’attache aussi une grande importance à la préparation physique – mes chevaux vont au moins 30 minutes au marcheur avant le travail – et j’ai l’habitude de longues sorties à l’extérieur bien toniques.

Etant jeune j’étais fougueux et ambitieux et il m’arrivait d’être assez strict sur la piste. Comme ça me rendait malheureux, j’ai fini par apprendre la patience. Il faut être vraiment être à l’écoute de chaque cheval et ça finira par payer. Heureusement, sinon j’aurais baissé les bras depuis longtemps. Quand les gens te disent : « Franchement, si jamais tu gagnes avec celui-là… » et quand on y arrive, alors là, on a une certaine fierté.

Valkyrie Condéenne est aussi un bon exemple de cette démarche. A 4-5 ans elle a vraiment été très compliquée. Tellement que je voulais arrêter avec elle mais M. Herman, l’un de mes fidèles propriétaires, m’a demandé de continuer car il ne savait pas quoi faire d’une telle jument. Je me suis retroussé les manches, j’ai travaillé patiemment, et maintenant on a nos codes : on ne va pas seuls à l’extérieur, il faut toujours que ma groom l’accompagne vers la piste etc. Elle est généreuse et elle aime gagner, mais il faut savoir être ferme quand il le faut et aussi savoir beaucoup récompenser.

On dit que les juments sont très sensibles mais les étalons aussi. Atome et mes deux jeunes entiers sont comme ça. Mais cette sensibilité que j’ai avec mes chevaux, c’est grâce à Flipper, parce que je n’avais pas le choix. Il m’a bien fait comprendre que la méthode que j’utilisais avant lui il fallait l’oublier direct !

UNE GRANDE FIERTE DE FAIRE PARTIE DE LA LISTE JO

C’est une grande fierté, une vraie récompense pour mon équipe et pour les propriétaires de se retrouver sur la liste de 15 couples envisagés pour les JO !

Je tiens à dire que c’est grâce à Thierry Pommel et à Sophie Dubourg que je peux espérer  faire partie de l’équipe nationale, même avec un seul cheval. Bien sûr, il faut avoir les résultats, mais si on les a, on peut faire partie de l’équipe. C’est comme à l’époque de Jean-Maurice Bonneau qui m’a donné ma chance avec Flipper. Pourtant je n’avais pas d’expérience à ce niveau, mon cheval était génial mais très spécial et tout le monde disait qu’il n’aura pas assez de force pour sauter de grosses épreuves. Il fallait donc y croire et il a cru en nous et n’a écouté personne. Après notre victoire dans le Criterium de Championnat de France, il nous a envoyé faire la Coupe de nations à Dublin. J’ai gagné la grosse épreuve et, on a gagné la Coupe! Je ne le remercierai jamais assez de sa confiance et je continue toujours de travailler avec lui.

J’espère qu’avec Atome on pourra suivre l’itinéraire de Flipper. Ce serait le rêve.

 

ARPEGE

OLIVIER MARTIN BIEN INSTALLE…

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Depuis le mois de Septembre, après une dizaine d’année de collaboration avec le Haras de Semilly, Olivier Martin s’est installé à son compte aux Ecuries de Beauclerc à côté de Saint- Lô. L’endroit est magnifique, calme, serein et confortable, tout en étant facile d’accès par l’axe routier Saint-Lô-Periers, à Feugères plus précisément. Nous l’avons rencontré « chez lui » et aussi au Jumping AEC à Saint-Lô où le cavalier a été très heureux de la première victoire d’Ever or Never, une jument aussi généreuse que délicate, rencontrée… il y a trois mois.

PLUS LE TEMPS PASSE, PLUS JE SUIS CONTENT DE FONCTIONNEMENT DE MA STRUCTURE….

MANEGE

J’ai pris la décision de quitter le Haras de Semilly après une longue réflexion. Je me suis demandé  comment j’allais faire face à de nouvelles responsabilités, à la gestion de l’écurie dans son aspect financier et commercial, à l’association avec un nouveau partenaire que je découvrais « sur le tas ». J’avais des appréhensions, ce qui est normal après des années de vie de collaboration. Et puis, finalement, plus le temps passe plus je suis content du fonctionnement de ma structure.

CARRIERE

LA TRANSPARENCE ET L’HONNETETE DOIVENT ETRE LA BASE…

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Il est important de poser les règles claires à la base. Le haras appartient à Karim SOUAID et nous avons créé un partenariat entre Ecurie de Beauclerc et Ecurie Olivier Martin pour la gestion de l’ensemble – ses chevaux, mes chevaux de propriétaires et surtout toute la structure, y compris les investissements.

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Karim me fait vraiment confiance et je dois être à la hauteur. On a 27 boxes, j’accueille les chevaux des propriétaires et les chevaux à valoriser qui sont à vendre. On propose aux propriétaires un contrat très clair, précis – il s’agit de bien déterminer les responsabilités et éviter les litiges.

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La transparence c’est primordial, surtout quand il s’agit de commerce des chevaux, où on cultive en général l’art de l’opacité. Nous avons mis au point, avec l’aide de ma femme Eugenie, une formule  « objectif commercialisation » complètement innovante qui a l’air de plaire…

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Je prends le cheval à l’essai pendant 1 mois pour me rendre compte de ses capacités et de son potentiel commercial. Ensuite, si j’accepte le cheval, le propriétaire fixe le prix qu’il voudrait obtenir dans la fourchette que nous avons déterminé ensemble. Ensuite, si je vends le cheval plus que prévu, on se partage la différence 50/50 et si jamais on atteint le double du prix indiqué, le propriétaire garde 70%. C’est une formule avantageuse pour le propriétaire et je suis absolument honnête concernant les prix de ventes réalisés. Dans le commerce, je mets à profit des contacts noués au cours de mon travail à l’étranger (j’ai passé des années en Belgique et en Allemagne) et ma connaissance de la langue anglaise…

UNE BONNE ORGANISATION, ENCORE ET TOUJOURS…

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C’est bien plus simple d’être bien organisé quand on a de très belles installations comme celles dont je dispose aujourd’hui. Les grands boxes, une belle carrière, un beau manège, une piste de galop, les paddocks – tout cela entouré par une trentaine d’hectares de pâturage. Comme l’ambiance y est calme et sereine, les chevaux aussi sont très détendus, ça m’a même un peu surpris au début.

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J’ai la chance d’avoir ma femme qui veille à la comptabilité et une équipe efficace et dévouée derrière moi. Charlotte Lemaréchal garde sous contrôle les écuries et les chevaux, me suivant en concours en tant que groom et Cornelia Kasin qui m’aide pour le travail sur le plat. Les chevaux profitent également d’un bon suivi vétérinaire – je suis moi-même assez calé dans les soins car mon père a été un vétérinaire équin réputé en Bretagne – et j’ai la chance de profiter d’une immense expérience d’un vétérinaire unique, original, compétent et passionné qui trouve souvent les solutions parallèles. On évite les méthodes invasives et on prend notre temps. Et ça marche !

LES CHEVAUX DEJA AVEC DE TRES BONS RSULTATS…

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Au Haras de Semilly je formais des chevaux sur une longue durée, je les connaissais donc très bien. Ici j’ai trouvé les chevaux de mon propriétaire et j’ai accueilli de nouveaux chevaux de propriétaires qui ont décidé de me faire confiance. Voici qu’avec un travail de 3 mois j’obtiens des classements en 135 et 140 avec Ever or never (propriété de Karim Souaid) qui vient de gagner une épreuve 135 au Jumping AEC à Saint-Lô, avec  Arpege du Salbey (propriété de haras du Salbey) qui a déroulé son premier GP 145 au Jumping AEC sans forcer et en confiance, ou encore Zina (propriété d’Olivier Meyer) classée 145. Les autres aussi se comportent très bien et obtiennent leurs premiers classements, ce qui est aussi important pour faire le commerce. C’est très gratifiant et encourageant de voir qu’un travail au quotidien effectué dans le bon sens peut apporter les résultats assez rapidement.

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CE QUI MANQUE…

Franchement, pas grand-chose. J’ai encore quelques boxes disponibles à l’écurie, et donc la possibilité de faire de nouvelles rencontres équestres et humaines. Les formules que nous proposons fonctionnent très bien, je suis bien entouré… Je n’ai pas encore les chevaux capables de faire les 3* mais il ne faut pas être pressé, tout viendra en son temps…

 

 

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LA QUATRIEME VIE DE THIERRY DUPONT

Depuis la saison dernière on voit Thierry Dupont, le cavalier bien connu de la région du Calvados, en compagnie d’Adéquat des Coteaux, un cheval fort charismatique qui saute comme une star et qui se classe facilement dans les épreuves 140 et 145 en prouvant à chaque tour sa capacité d’aller plus loin et plus haut. En même temps Thierry se retrouve à la tête d’une très belle écurie à Saint-Désir à coté de Lisieux, la propriété de Francesca Coin, sa compagne. C’est le moment de rencontrer et de parcourir ensemble quelques années qui l’ont mené vers sa belle forme actuelle.

CHEVAL OU EXPLOITATION AGRICOLE ?

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J’ai rencontré les chevaux à 11 ans quand je suis allé avec mon père chercher du fumier de cheval pour le jardin dans un centre équestre. Je suis tombé immédiatement amoureux de l’atmosphère, des odeurs, des chevaux et j’ai commencé à monter à cheval d’abord une heure, ensuite plus et finalement j’y  passais tout mon temps libre. On s’amusait beaucoup avec les copains, mon père était triste car j’avais abandonné complètement le foot… Après deux ans j’ai connu un autre club mené par un écuyer du Cadre Noir à la retraite où je suis resté une quinzaine d’années. Son club était aussi une ferme avec des terres, des vaches laitières etc. et avec le temps j’ai travaillé autant dans les deux, car j’aimais bien ce côté agricole. Côté cheval je montais beaucoup au départ, on faisait du complet car c’était son domaine de prédilection. Je faisais peu de concours et je ne connaissais même pas l’existence du circuit des jeunes chevaux. On était dans l’Orne, dans un coin de campagne assez perdu. J’ai arrêté l’école pour faire un CAP ce qui n’a pas fait plaisir à ma mère, institutrice, mais par la suite j’ai  quand même passé mon Bac .

J’ai fini par être l’employé de cette ferme que je gérais et selon les accords avec mon patron je devais reprendre l’exploitation mais je me suis rendu compte que cela n’arriverait pas et j’ai décidé de voler de mes propres ailes. J’ai déposé plusieurs dossiers pour m’installer dans l’activité agricole, j’ai laissé de côté les chevaux. Mais mes dossiers ne passaient pas la porte des banques, c’était refus sur refus .

Je suis donc revenu chez mon ancien patron et c’est là j’ai rencontré Nathalie, ma première femme, mère de mes deux filles, qui  est arrivée  dans son centre comme monitrice. Grâce à elle j’ai repris le cheval et nous avons décidé de nous installer ensemble. En 1990 on a pris une ferme en location avec une petite maison et j’ai commencé à y faire des travaux et des installations pour pouvoir travailler avec les chevaux – j’ai construit mes écuries, j’ai fait un manège avec un tunnel d’aviation, j’ai rénové la maison, j’ai appris comment faire en faisant. Comme je me débrouillais pas mal pour le débourrage, je faisais une centaine de PS par an, je faisais aussi des poulinages de trotteuses. Des amis m’ont confiés quelques chevaux en pension, dont deux bons chevaux avec qui je suis passé de la classe D à la classe B en une année. J’ai appris plus en une année que pendant les 10 ans précédents !

J’avais alors 26-28 ans et c’ est à cette période que j’ai commencé vraiment ma carrière équestre. J’ai appris en regardant les autres, je n’avais ni le temps ni l’argent pour prendre des cours. J’avais des doutes car j’étais seul avec mon équitation. J’ai monté mon premier jeune cheval de 4 ans à 30 ans, on peut dire alors que je suis aujourd’hui, à 55 ans, comme un jeune cavalier qui a commencé gamin! Avec de l’usure en plus, bien sûr…

L’ACCIDENT

Adéquat des Coteaux

Adéquat des Coteaux

Notre entreprise marchait très bien, on a pu finalement acheter la ferme, j’ai fait une grande carrière, un grand manège, 30 boxes, on organisait des concours et on a commencé à acheter des chevaux avec M. Boulay qui est resté toujours mon fidèle partenaire.

Et là, tout d’un coup, tout s’arrête. Je travaillais un jeune cheval qui s’est mis debout tellement fort qu’ il est tombé sur moi. Ma jambe a craqué comme une branche. Le chirurgien de l’hôpital de Flers m’a opéré en mettant une broche et m’a promis que j’allais pouvoir reprendre le cheval dans les  4 mois. Finalement j’ai eu 11 opérations pendant 2 ans, j’ai subi des greffes, j’ai eu une sévère infection et je me suis préparé à être amputé. J’ai été sauvé par un grand professeur, chirurgien à Louvain en Belgique.   Je suis resté dans son hôpital un mois et ça a était une vraie leçon de vie. J’ai vu tellement de malheur, de maladie de désespoir que j’ai compris qu’il ne faut pas se prendre la tête pour les petits tracas du quotidien. Ce qui compte c’est d’être en vie, c’est d’avoir deux jambes, deux bras, une tête qui marche. Je pense toujours à une dame là-bas qui avait un cancer en phase terminale et qui s’inquiétait pour moi.. On a beaucoup parlé et elle a été d’un grand soutient et l’exemple d’une vraie noblesse de cœur.

Ces deux années ont été très dures, j’ai dû affronter des problèmes de santé très invalidants, mais aussi  la vente de mon écurie, le divorce et le déménagement.

TOUT RECOMMENCE

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J’ai toujours souhaité m’installer dans le Calvados, j’ ai donc choisi cette région pour repartir et je me suis retrouvé près de Carrefour St Jean où j’ai remonté une écurie en réempruntant. J’ai du vendre ces installations  après trois ans pour acheter à St Desir à côté de Lisieux. C’était la friche, les ronces, il fallait tout construire de nouveau. Les écuries, la carrière, le manège, le rond de longe. J’avais aussi des champs pour faire un peu d’élevage. L’écurie marchait bien mais j’ai eu l’opportunité de la vendre il y a deux ans et j’en ai profité..

C’est Francesca Coin, ma compagne actuelle qui m’a persuadé de travailler moins, de me faire plus plaisir et de profiter de la vie.

Nous avons construit un assez beau complexe opérationnel sur les terres de Francesca . On peut loger une trentaine de chevaux – du coup on prend aussi quelques chevaux de propriétaires. Nous avons une belle carrière, des paddocks, tout pour être heureux. J’ai pris une part active à la construction de l’ensemble et je le gère au quotidien. Mais grâce à une bonne organisation et à la présence d’un salarié on peut partir assez souvent et profiter de la vie à deux. On achète les chevaux ensemble avec Francesca qui fait aussi un peu d’élevage.

LE COMMERCE DEVIENT DIFFICILE…

On achète maintenant  des chevaux  plus classiques pour les clients mais ce ne sont pas ceux qui m’amusent le plus.   Ce sont ces chevaux là que les gens demandent et qui se vendent bien. On demande qu’ils soient très bien dressés et dans le moule , avec une visite parfaite.. Les vrais crack chevaux ont quelque chose en plus, ils sont atypiques, pas toujours faciles à monter.

Galoubia, jument particulière avec qui j’ai fait mes premières grosses épreuves  avait une  visite moyenne, une volonté incroyable,  et un seuil de douleur très haut , elle  à tourné jusqu’à 18 ans. Tout récemment j’ai acheté un 5 an refusé par un autre acheteur car il avait un petit processus palmaire , il est top, je l adore !

ADEQUAT, GRAVITY ET LE BONHEUR AU QUOTIDIEN…

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Adéquat des Coteaux, fils de Tinka’s Boy vient de l’élevage de Rouge-Bois et je l’ai acheté quand il avait 6 ans dans une écurie près de Reims car il avait une très belle qualité de saut. A la maison j’ai découvert qu’il regardait tout, était très sensible et pas vraiment prêt à collaborer. J’ai franchement galéré pendant 2 ans… Il a un très fort caractère, n’aime pas qu’on lui impose les choses, il faut donc trouver des astuces .  Il faut toujours discuter avec lui mais il n’est jamais à la peine, il peut sauter trois jours avec la même fraîcheur, est très respectueux et adore les câlins !  C’est grâce à son mauvais caractère, finalement, que je l’ai encore aujourd’hui.  Nous avons maintenant notre mode de fonctionnement : 2 à 3 séances de plat par semaine,et du galop  sur la piste de trot en herbe.

Gravity LCH  c’est un KWPN, fils d’Andiamo de 8 ans, il est très timide et très sensible et a dû avoir des débuts difficiles. Acheté chez un marchand irlandais, revendu à David Aïssa à qui je l’ai acheté . J’ai ressenti une vraie qualité de saut mais il faut vraiment avoir beaucoup de calme et de patience pour le rassurer – j’ai mis 1 an à pouvoir lui caresser le flanc  et j’ai vécu 6 mois très compliqués. Il a évolué énormément, il arrive à être compétitif sur 140 . il lui faut encore du temps .

Aujourd’hui je me sens bien dans ma peau. Je prends plus de temps pour profiter de la vie. Je suis en forme et j’ai Adéquat qui me tire vers le haut, c’est fantastique. J’espère être sélectionné cette année pour commencer doucement les CSI 3*.  Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir me permettre de ne pas le vendre. C’est un vrai luxe et j’en profite pleinement !

 

 

PORTRAIT

CHRISTOPHE GRANGIER : ON PEUT ETRE SERIEUX SANS SE PRENDRE AU SERIEUX…

Dans la vie il y a la vue qui compte...

Dans la vie il y a la vue qui compte…

Christophe Grangier, l’un des cavaliers les plus performants et les plus sympathiques sur les pistes de Normandie, a été l’un des héros de la Grande Semaine de Fontainebleau avec la victoire de Farzack des abbayes et la 2ème place de Dubaï de soie (tous 2 étalons) dans la finale de 6 ans. Il a pris il y a quelques mois un nouveau départ grâce à ses nouvelles installations à Saint-André d’Hébertot dans le Calvados, où la famille cultive le bonheur au quotidien. C’était un moment idéal pour le rencontrer…

LA GRANDE FINALE POUR LA 25ème FOIS

Einstein, un bel entier de 5 ans, élevage familial

Einstein, un bel entier de 5 ans, élevage familial

C’était ma 25ème Finale des Jeunes Chevaux à Fontainebleau… J’ai commencé très jeune car je suis né dans le milieu. Mon père travaillait comme cavalier pour Jacques Bonnet et il s’est installé à son compte dans la Seine et Marne quand j’avais 3-4 ans. A l’époque, cette région était une région de cheval, comparable à la Normandie d’aujourd’hui. Mon père gérait une grande écurie d’une centaine de chevaux. Il y avait un club, des propriétaires, du commerce… il faisait aussi beaucoup de coaching. Mon père, qui a monté à un très bon niveau, a dû s’arrêter de sauter après un accident à l’âge de 30 ans, mais il a continué à monter et à se perfectionner sur le plat.

Cette année, la finale de Fontainebleau était un peu spéciale – j’avais 7 chevaux, j’étais seul car le groom a eu un empêchement et on a logé mes chevaux à une quinzaine de minutes du site. C’était chaud, j’ai vécu des moments un peu compliqués mais les chevaux ont signé quand même de belles performances et c’est essentiel….

TRAVAIL SUR LE PLAT C’EST NOTRE PHILOSOPHIE DE BASE

Le travail sur le plat encadré par Papa, indispensable....

Le travail sur le plat encadré par Papa, indispensable….

On aime prendre notre temps avec chaque cheval. Ne pas lui mettre la pression, le préparer physiquement et mentalement en respectant son rythme et sauter uniquement quand c’est nécessaire en fonction du cheval. On ne met pas d’enrênement, sauf à la longe pour muscler le dos. L’enrênement est un cache misère et très peu de gens savent s’en servir correctement. Je sais que c’est un peu la tendance d’aujourd’hui, car les chevaux paraissent plus ronds, plus dressés, mais c’est une illusion, un camouflage car une fois l’artifice enlevé, le cheval se met l’encolure à l’envers. Les Allemands qui ont une monte plus physique peuvent s’en servir avec plus de réussite, mais un cavalier comme moi, qui pèse 55 kg, n’a pas le choix – on doit se mettre avec le cheval sans passer par la force.

LE DRESSAGE CE N’EST PAS LE DOMPTAGE

Himalaya, fils de Lauterbach, élevage familial...

Himalaya, fils de Lauterbach, élevage familial…

Avec tous les artifices on a l’air d’être beau et en place… mais cela nous empêche de sentir les choses, les défauts, les faiblesses et aussi les points forts d’un cheval. En tout cas, c’est mon avis. J’aime bien avoir les sensations. La souplesse et l’équilibre ne se voient pas forcément de l’extérieur mais c’est au cavalier d’apporter tout l’entraînement, tous les exercices nécessaires pour que le cheval puisse dérouler un parcours. Il le fera correctement parce qu’il peut le faire, non parce qu’il est obligé et contraint. J’admire les cavaliers américains dont les chevaux paraissent moins en attitude « dressés » mais qui sont parfaitement à l’écoute.

Mon système c’est le cheval avant tout. Je n’aime pas trop le mot « système » d’ailleurs, mais le mien consiste à s’adapter à chaque cheval et de la faire tranquillement, en fonction de ses besoins. Et je ne fais pas de concessions avec ce principe. Si j’estime que le cheval a besoin de repos, qu’on doit le redescendre, ou si, au contraire, il devrait être travaillé plus, je le fais même si, parfois, cette attitude intransigeante m’a porté préjudice. Cette année, à la Finale, j’avais une jument qui ne pouvait pas être performante mais qui pouvait prendre de l’expérience, de la maturité. Cette finale l’a faite grandir. Mais, à l’inverse, si je sens que le cheval n’est pas prêt du tout, qu’il peut se faire peur ou mal, alors je ne le présenterai pas et je ne céderai pas à une pression dans ce sens, même si elle est importante. Je ne sais pas monter contre un cheval car j’ai assez d’expérience pour savoir que si le cheval ne fait pas un concours ce n’est rien, il en fera d’autres, mais s’il fait un mauvais concours, ça peut être la fin. Alors, il faut savoir dire non quand on s’estime et quand on estime son cheval et son métier. Heureusement la plupart des propriétaires me font confiance…

LA PASSION AU QUOTIDIEN

La plus jeune génération...

La plus jeune génération…

Je suis toujours aussi passionné, j’adore notre sport, je peux rester des heures à regarder un beau concours. J’adore la compétition mais il est de plus en plus difficile de pouvoir trouver et garder un bon cheval. Pour s’en sortir il faut acheter plusieurs 2 et 3 ans et, à force, dans le lot on va en trouver un ou deux de qualité. En même temps les frais de valorisation et de concours n’arrêtent pas de monter, les propriétaires doivent donc les vendre assez rapidement, on peut difficilement les attendre, leur donner la chance de se former et d’évoluer à plus long terme. Je me fais plaisir en montant de très bons jeunes chevaux, j’ai du plaisir à les former. J’espère qu’un jour j’arriverai à garder 1 ou 2 bons chevaux pour faire un peu de compétition….

L’INDEPENDANCE A UN PRIX MAIS CA N’A PAS DE PRIX

Quand on aime les animaux...

Quand on aime les animaux…

J’aime bien mon indépendance, j’aime bien être tranquille. Je fais des GP 135-145 en attendant de pouvoir ressauter de plus grosses épreuves, je forme des jeunes chevaux, je fais du commerce. Nous sommes très heureux de pouvoir enfin nous installer dans cette ancienne ferme. Les chevaux y sont très bien, ils peuvent marcher sur les pentes sans avoir l’impression de travailler.

Je cherche toujours de bons chevaux, des investisseurs, de l’aide aussi. Je ne désespère pas de trouver un jour 2-3 bons chevaux pour faire de belles saisons de concours et me faire plaisir. C’est un objectif plutôt raisonnable, je trouve…

Cette année j’avais 5 chevaux de 6 ans et ils ont tous été vendus – un est parti chez Guerda, un en Arabie. Si on cible bien le client et si on joue le jeu en respectant le désir de propriétaire, on les vend plutôt bien. J’aimerais beaucoup trouver des investisseurs pour faire un bout de chemin, mais je ne suis pas trop doué pour cette facette commerciale du métier. Or, elle est de plus en plus importante aujourd’hui. Il faut savoir faire rêver les gens… Avant, les bons cavaliers trouvaient de bons chevaux, maintenant les jeunes fortunés deviennent bons à force d’avoir de top chevaux et la possibilité de courir les plus beaux concours diminue.  J’ai peu chance de me retrouver dans ce « top 50 » et je le vis très bien. Ces concours très étoilés attirent les propriétaires des chevaux et on les comprend mais ça ne doit pas prendre toute la place. Le Global c’est bien, mais les coupes des nations et les championnats qui nous font tous vibrer doivent conserver leur importance. Ce sont les médailles qui restent dans l’histoire ! Sur le Global, les gens tournent en vase clos et sont en train de désintéresser les passionnés. Pas étonnant, ce sont toujours les mêmes cavaliers, les mêmes obstacles, les mêmes concours, il n’y a que la ville ou le continent qui changent. Les gens autour de la piste ne s’y intéressent pas non plus, ils passent juste un bon moment entre eux. C’est bien que ça existe je serais ravi d’y aller si j’avais l’occasion, mais il ne faut pas que ça prenne toute la place.

IL FAUT LA VICTOIRE ET LA MANIERE

Ambiance familiale à la maison et aux écuries...

Ambiance familiale à la maison et aux écuries…

Ce qui compte c’est un équilibre entre la progression du cheval, son respect, la gagne et l’espoir d’être moins mauvais que la veille. J’espère continuer à participer à la Grande Semaine pendant longtemps et continuer à m’améliorer.

Mon premier cheval de cœur c’était Piter, un AA que j’ai monté de 12 à 17 ans. C’était mon premier cheval, il se trouvait dans nos écuries et on l’a racheté un petit prix car son propriétaire a arrêté de le monter. Nous sommes passés ensemble de 110 à 150, en passant par le titre du Vice-Champion d’Europe Juniors. C’était un guerrier incroyable et Il est mort d’une colique. C’était vraiment le cheval de ma vie.  Il y avait aussi Fleur de Carême, une petite jument censée rien faire. Mais elle est arrivée 5ème des 6 ans, classée au Championnat du Monde à Lanaken, gagnante de plusieurs G Prix 150 et vendue à l’ancienne femme de Jan Tops au Canada.

Je n’ai pas gardé de souvenirs marquants d’une victoire particulière, mais plutôt des sensations. Parfois, sur une belle piste, on a l’impression que rien ne peut nous arriver…   Il faut la victoire et la manière. Tous les chevaux ne peuvent pas nous l’apporter. Comme un acteur, on a besoin d’un bon acteur en face pour sublimer la scène, lui donner un parfum inoubliable. Contrairement à ce qu’on dit, ce sont les bons chevaux qui nous font progresser, pas les mauvais. Or, il est difficile de les juger quand ils sont jeunes – j’ai mes petites astuces, je les fais sauter en liberté sans la barre de réglage pour voir leur intelligence. Mais la vraie vérité c’est le terrain… Il y a des chevaux avec des défauts mais qui sont des bêtes de concours. Et il y en a qui sont les champions à la maison, mais en piste il n’y a plus personne – ils sont trop stressés et anesthésiés par l’environnement. Il y en a qui aident le cavalier pour être sans faute et d’autres qui, dès qu’il y a un piège, tombent dedans.  Le mental, l’intelligence, ça ne s’apprend pas. Les chevaux de concours, on les juge en concours.

VOUS AVEZ DU GENIE…

Quand on n'a pas trop d'argent il faut avoir les idées...

Quand on n’a pas trop d’argent il faut avoir les idées…

Les gens pensent souvent que je ne travaille pas beaucoup, mais à tort. Je travaille souvent sous le regard de mon père. Par exemple, à Fontainebleau, le dimanche, j’avais un petit doute avec un cheval. Il m’a regardé, m’a conseillé et je suis arrivé 2ème à la Finale des 6 ans.

Bien sûr je ne vais pas écouter tout le monde mais dans ma jeunesse j’ai été bien guidé par Gilles de Bertrand de Balanda et j’ai eu droit au regard bienveillant de Bosty et d’Edouard Couperie qui étaient mes voisins. Je ne crois pas au miracle – tiens on fait un stage, on change de mors et on va être sans faute. Ce serait trop beau et trop facile. Je crois que ce sont les détails qui font toute la différence et il faut les travailler sans relâche. Pour moi le travail sur le plat est le plus dur à faire tout seul, j’ai donc besoin du regard extérieur.

Je sais monter les chevaux au pied levé, ça ne me dérange pas, mais ce n’est pas ce que je préfère. Le 6 ans qui a terminé 2ème est arrivé dans mes écuries deux semaines avant la finale. Je sais m’adapter très vite au cheval, mais cela m’a porté préjudice dans la vie. Je préfère de loin avoir les chevaux à ma main, à mes boutons. Plus le cheval est dressé, moins il fatigue. Musclé, souple, disponible, à l’écoute mais pas fermé, c’est là qu’il est performant. L’obéissance sans décontraction a peu d’intérêt. C’est ainsi que l’on obtient de la légèreté et c’est important également pour la vente, car aujourd’hui la plupart des cavaliers sont des cavalières et il leur faut des chevaux légers, fins et agréables à monter.

ON PEUT ETRE SERIEUX SANS SE PRENDRE AU SERIEUX

Je suis assez complexe. D’un côté un peu rêveur, un peu artiste, j’oublie facilement mon portefeuille ou mon portable, je me trompe d’hôtel ou mon cheval perd son filet à la remise des prix, mais de l’autre j’ai une rigidité un peu obsessionnelle en ce qui concerne le travail des chevaux, la préparation, les séances qu’ils doivent faire. D’accord, ça ne se voit pas trop. Par exemple à la détente je suis cool, je ne les embête pas trop, ce n’est plus le moment car le travail a bien été fait avant, sinon ça ne pourrait pas marcher.

On peut être sérieux sans se prendre au sérieux et je déteste les gens qui se prennent au sérieux. Car, franchement, on saute des barres, on ne sauve pas des vies ! J’aime bien aussi que le cheval nous ouvre vers d’autres personnes, d’autres horizons. Et avoir de l’humour, de l’autodérision c’est salutaire au quotidien !

 

VOLTIGE

DAVID AISSA : ON N’A PAS BESOIN DE MILLIARDS POUR CONSTRUIRE SA CARRIERE EQUESTRE

Nous sommes allés à la rencontre de David Aïssa, moniteur, directeur du Centre Equestre d’Ouistreham, éleveur et cavalier professionnel qui vient de gagner la médaille de bronze aux Championnat de France Pro 2 en compagnie de Voltige de Celland. Le cavalier a inauguré récemment un nouveau bâtiment qui accueille ses chevaux de compétition. Le bonheur est à la porte de l’écurie et il est contagieux…

FILS D’UN PECHEUR SUR SON PETIT TROTTEUR

Voltige profite de paddock

Je ne viens pas de milieu équestre ni agricole. Mon père était pêcheur à Ouistreham et ma mère comptable. J’ai débuté à cheval à l’Etrier de la plage chez M. Rube. Vers 12 ans Monsieur Rube m’a dirigé vers les épreuves des cadets – mes parents ont donc acheté Keravec, un petit trotteur chez Jean Pierre Vilaut. Il ne ressemblait à rien, stationné dans ne stalle, mais s’est révélé sensationnel. On s’est donc lancé dans l’aventure … On partait avec mon père, qui, souvent, venait de descendre de son bateau après une nuit en mer, on attelait le van avec mon petit trotteur et on arrivait sur les terrains de concours où on croisait Hubert Pignolet, Cédric Angot… les fils des éleveurs avec leur beaux Selle Français. Comme je ne les connaissais pas je n’avais pas vraiment de pression et je me suis mis à gagner les épreuves au milieu de ce beau monde ! Ils l’ont plutôt mal pris, heureusement mon père parle facilement avec les gens et il est rapidement devenu ami avec les parents de ces jeunes cavaliers. Mon trotteur était tellement incroyable qu’on a fini par le confier à René Lopez qui, à plusieurs reprises, a réussi à battre Eric Navet avec ses meilleurs chevaux ! Il se donnait vraiment à 200% et quand il touchait une barre c’est avec son poitrail, jamais avec ses jambes. Un vrai phénomène ! Mon plus beau souvenir avec lui c’est la 3ème place au derby de la SHUC de Caen, composé de 24 obstacles à 140… de telles épreuves n’existent plus aujourd’hui. Je n’avais alors que 14 ans.

A L’ECOLE CHEZ LES CHENU

Carpediem Z, un pari sur l'avenir

Carpediem Z, un pari sur l’avenir

Comme j’entendais des gens me répéter : « tu ne sais monter que des trotteurs », je voulais leur prouver le contraire, apprendre et m’améliorer. Mon père, qui était devenu ami avec André et Annick Chenu, a joué les intermédiaires et pendant plusieurs années je suis allé passer les vacances scolaires chez eux. Je leur dois beaucoup, ils m’ont vraiment énormément appris au niveau de l’équitation, de la connaissance du cheval, des soins et aussi du commerce. Ils sont devenus comme mes parents adoptifs !  Je rêvais de devenir cavalier professionnel et travailler pour eux, mais mes parents ont entendu parler des jeunes cavaliers qui ont fait faillite en se mettant ainsi à leur compte et m’ont poussé à passer mon monitorat.

MONITEUR ET ENTREPRENEUR

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J’ai écouté mes parents, j’ai passé le monitorat et à 23 ans je suis devenu créateur, gérant et directeur du Centre équestre d’Ouistreham, construit sur une parcelle de terrain cédée par mes parents. Tout a très bien marché et nous nous sommes développés assez rapidement. Aujourd’hui j’emploie 8 personnes dont ma femme qui est monitrice et nous avons une cavalerie de 80 chevaux. J’ai racheté également l’Etrier de la plage qui s’est trouvé à vendre et qui nous sert aujourd’hui de la base de loisir – on peut y débuter à cheval en douceur en faisant des balades à la plage et si on veut progresser par la suite, on va au centre équestre. C’est mon père, salarié, qui m’aide à gérer l’Etrier actuellement.

Mes journées sont bien chargées. La matinée je suis dans mes écuries de sport, l’après-midi je m’occupe de la gestion et de la comptabilité – c’est une tâche parfaitement ingrate mais nécessaire qui doit être exécutée avec une grande rigueur – c’est ma mère qui m’a toujours conseillé dans ce domaine – et le soir je donne les cours à des cavaliers niveau 6 et 7. J’aime beaucoup enseigner, j’adore les enfants et les clients en général, nos chevaux sont aussi adorables, la seule chose vraiment horrible c’est la lourdeur administrative, tous les petits circulaires qui changent sans cesse et les contrôles incessants qui partent de principe qu’on a toujours quelque chose à se reprocher. Nous avons des journées de 12 ou 13 heures et ces contrôles nous épuisent, même si on est rigoureux et en règle – je comprends bien pourquoi les agriculteurs qui peinent à s’en sortir, ne se sortant pas de salaire, donnant tout à leurs bêtes et ne pouvant vraiment pas tenir une gestion rigoureuse, se suicident…

LA PASSION DE L’ELEVAGE OU QUAND LE DESTIN S’EN MELE

Une représentante de  l'élevage de Ouistreham

Une représentante de l’élevage de Ouistreham

Un jour nous avions une propriétaire qui avait du mal à payer les pensions pour sa jument. La jument s’appelait Arrogante Assemont et était issue de l’élevage de M. Rube. Mes parents ont donc décidé de l’acheter pour aider la propriétaire. Et comme dans un concours de l’élevage nous sommes tombés amoureux de Jarnac âgé alors de 4 ans, nous l’avions mis sur Arrogante. Et notre premier poulain c’était une pouliche, Pin Up de Ouistreham qui s’est révélée être une star internationale ! Cédée à 4 ans à Jean-Pierre Vilault, montée et valorisée par David Jobertie, elle a été vendue finalement à l’Ukrainien Alexandre Onyshchenko pour une somme faramineuse ! C’était vraiment une jument extraordinaire qui a sauté au niveau de 5* et j’ai gardé ses trois sœurs : Cadence, Violine et Riva, pour l’élevage de Ouistreham. Par principe, nous les mettons toujours à Jarnac mais quand ça ne marche pas, on a aussi recours à d’autres étalons. Nos poulains se vendent très bien car ils ont tous de la qualité, des moyens et respect rappelant les exploits de Pin Up. Moi-même j’ai sorti Kador de Ouistreham qui a sauté jusqu’à 145, Top Jump de Ouistreham a été également très bien vendu – grâce à toutes ces ventes j’ai pu mettre en place les installations de mon écurie de sport. Nous venons de faire construire un beau bâtiment de 20 boxes couplé avec le manège. La moitié des boxes sont loués par les propriétaires et l’autre moitié accueillent mes chevaux de sport et les poulains pour valorisation.   Aujourd’hui, à 46 ans, je peux enfin vivre mon rêve de cavalier professionnel !

JE VEUX UN CHEVAL QUI M’AIME BIEN ET QUI SE DONNE A 100% POUR ME FAIRE PLAISIR…

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Ma jument de tête c’est Voltige de Celland achetée pour presque rien à la foire à Torigny sur Vire où on allait avec mon père pour acheter les poneys pour le CE. On m’a expliqué que la mère de Voltige était une bonne jument qui a fait les 6 ans en cycle classique mais ils ont dû arrêter car elle ne supportait pas le transport en camion. Voltige est une fille de Paddock du Plessis que j’ai connu chez les Chenu. Elle a du sang de Bourrée, la fameuse jument à la base de leur élevage et elle ressemble aux filles de Bourrée, avec un grand cœur et très généreuse, je pense donc l’utiliser à l’avenir pour notre élevage….

Ses débuts sportifs à 4 et 5 ans ont été très difficiles, trop chaude, anxieuse, pas assez avec moi. A 6 ans je suis redescendu à 1 mètre pour la rassurer et calmer le jeu, du coup à la fin de la saison elle a fait des parcours sans fautes. Mais elle reste toujours assez difficile à gérer en piste – c’est une guerrière qui ne s’arrête jamais, mais une guerrière qu’on ne peut pas soumettre complètement et il faut avoir l’humilité d’accepter ce côté fougueux. Elle me donne beaucoup – elle a gagné récemment trois Grand Prix avant de gagner la médaille de bronze Pro 2 au championnat de France. Je n’ai pas de chance avec ce championnat ! Cela fait trois ans que je vais à Fontainebleau avec Voltige, que j’arrive en finale, je suis bien placé pour gagner et puis, la jument fait tomber une barre ou elle glisse… Cette année aussi j’étais en tête jusqu’au dernier parcours et j’ai fini 3ème. Mais je le gagnerai un jour !  C’est vrai que le championnat c’est un gros effort et je comprends que les cavaliers doivent faire des choix pour les chevaux. Nous on a de la chance d’avoir la mer à côté et ça permet la meilleure récupération possible et un très bon entraînement aussi.

Je raisonne en fait un peu comme un amateur : je cherche un cheval qui m’aime bien et qui se donne pour me faire plaisir.  J’ai eu de la chance : d’abord Keravec, ensuite In the Wind et maintenant Voltige. Pour moi, c’est le plus beau sentiment qui puisse exister : le cheval qui saute pour vous, qui donne tout, se transcende pour vous faire plaisir !

In the Wind Corubert, un fils de Papillon Rouge, a eu plus de 35 000 euros de gains à 135-140 et tout le monde voulait me l’acheter mais on n’a pas voulu le vendre et il a gagné sa retraite à la maison. Enfin, c’était encore un cas…  Je l’ai arrêté à 17 ans car je sentais qu’il baissait le pied et je l’ai mis dans nos beaux herbages avec les poulains. Mais il n’a pas apprécié, a beaucoup maigri et après trois mois je l’ai remis au centre équestre où il a retrouvé vite son petit ventre et sa bonne humeur. Ma femme le montait de temps en temps pour qu’il garde la forme et puis un jour elle l’a sorti en concours et elle, qui n’avais jamais gagné, a emporté plusieurs 120. Elle a arrêté quand même quand il avait 19 ans. Et puis, un jour, à 22 ans, il a remplacé un poney boiteux et il a gagné dans une Club Elite ! Il est encore capable de faire tomber son cavalier ! Quand on pense que quand je l’ai acheté il s’arrêtait… on apprécie d’autant plus le chemin parcouru. Ma plus belle victoire avec lui c’était à Tourgéville, sous la neige, quand j’ai réussi à battre Eric Levallois dans une Pro 2 avec Lagon de l’Abbaye. J’étais très fier de moi ce jour-là !

COMMENT J’AI DECOUVERT TIMON D’AURE…

J’ai quelques capacités à voir les aptitudes chez un jeune cheval, tout comme mon père, car on a été très bien formé chez André Chenu… un exemple, Timon d’Aure que André a acheté grâce à moi ! Je l’ai repéré à 6 ans à Saint-Lô, sous la selle de Paul Meslin. Je l’ai trouvé fantastique et il était proposé à 20 000 euros – je voulais l’acheter. Mais mon père, qui voyait que j’avais une écurie remplie de chevaux que je n’arrivais pas à vendre, a trouvé que ce n’était pas raisonnable et il en a parlé à André Chenu. André a acheté Timon et nous a invité à déjeuner pour nous remercier. La suite, tout le monde connaît.

Cet épisode est resté toutefois gravé comme un regret et quand mon père m’a annoncé qu’il a vu un cheval d’exception qu’il fallait acheter – j’avais alors un budget plus conséquent – je me suis porté acquéreur. Il s’agit de Carpediem EDM Z qui a été champion de France des 5 ans des studbooks étranger avec Paco Diouf – avec tous les parcours sans faute, 23 sur 23, il était exceptionnel ! Il est d’une qualité tellement rare que je trouve dommage de le garder pour moi. Il a la capacité de faire les 5*. Kevin Staut l’aime bien, on le prépare tranquillement pour pouvoir le confier à Kevin dans l’avenir. Ce sera aussi mon bonheur de le voir briller dans des concours les plus étoilés !

LE COMMERCE AU SERVICE DU CLIENT

Il est important de vendre les chevaux pour vivre et pouvoir évoluer. Mais, d’après moi, il est aussi important que le client soit heureux, il faut donc que le cheval soit adapté au futur propriétaire, et le prix aussi. Client heureux ramène d’autres clients et j’aime beaucoup recevoir de bons retours. C’est très gratifiant. Le meilleur exemple c’est cette histoire qui m’est arrivée avec une famille polonaise. Ils ont payé un stage auprès de Pénélope pour leur fille de 13 ans. Mais comme la jeune cavalière n’avait pas le niveau pour monter les chevaux de 5*, Pénélope me l’a envoyée, je lui ai donné les cours particuliers et elle a bien progressé. Ses parents sont venus quelques mois après pour acheter un cheval de notre élevage. La jeune fille était très amoureuse de sa jument, elle a beaucoup gagné, c’était le bonheur. Malheureusement la jument a attrapé un virus mortel et la jeune fille est tombée en dépression. Après un an, quand elle a finalement exprimé de nouveau envie d’avoir un cheval, ses parents m’ont appelé et m’ont acheté une autre jument sans la voir (Elite de Ouistreham, la sœur de Chrichna Ouistreham), juste parce qu’ils me faisaient confiance. J’étais très touché et le couple a l’air de fonctionner très bien – à 5 ans elle saute des parcours à 125.

ON N’A PAS BESOIN DE MILLIARDS POUR CONSTRUIRE SON BONHEUR EQUESTRE

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Pour moi, les plus belles histoires sont celles d’Eric Navet, Eric Levallois ou Gilles Bertrand de Balanda, les cavaliers qui sont allés au plus haut avec des chevaux de l’élevage familial. Le sport d’aujourd’hui qui a besoin des investisseurs qui achètent les chevaux tout prêts et hors de prix pour sauter 4* ou 5* ne me fait pas rêver. Mon plaisir c’est de faire naître un cheval, le débuter et l’amener le plus loin possible. Je vis actuellement une très belle histoire avec Voltige, on me dit qu’elle pourra sauter 145-150, je vais donc essayer quelques 145 pour voir si elle peut passer le cap. J’ai beaucoup d’espoir avec les jeunes chevaux de notre élevage. Aujourd’hui,  je suis un directeur de centre équestre, un éleveur, un cavalier parfaitement heureux !

 

THOMAS ET UP TO YOU

THOMAS ROUSSEAU – CE QUI COMPTE C’EST LE PARTAGE

Thomas et Up To You GFE

Thomas et Up To You GFE au calme à la maison…

 Je suis né en Bretagne dans une famille liée au monde équestre. Mon père était cavalier et ma mère inséminatrice pour le compte du Haras de la Gesmeray. Quand j’avais neuf ans mon père est mort d’une crise cardiaque pendant un concours d’entraînement. On a pas pu le sauver alors qu’il a été pris en charge instantanément par les pompiers – car à l’époque on avait des ambulances des pompiers présents sur les concours. Aujourd’hui on est obsédé par les questions de sécurité mais pas d’ambulance sur les terrains de concours. C’est scandaleux. On fait un sport dangereux et quand on a un accident sur la piste, attendre les pompiers coincés dans les bouchons c’est très dur et ça peut être tragique.
Après un Bac agricole j’ai commencé par monter pour le Haras de la Gesmeray avant de passer trois ans chez Bruno Rocuet. C’était une belle expérience qui m’a donné les bases de formation des jeunes chevaux. Pour le reste, je suis assez autodidacte, j’ai appris en regardant les autres cavaliers et en adaptant mes observations à la spécificité de chaque cheval pour pouvoir monter beaucoup de chevaux différents. Car c’est au cavalier à s’adapter au cheval, pas l’inverse.
JE N’AI PAS EU LES MOYENS, DONC JE ME SUIS ADAPTE
THOMAS ET UP TO YOU
A la base je ne suis pas aisé et je n’aurais pas osé me lancer à mon compte sans l’encouragement de Christian Planchon. Il m’a proposé 6 chevaux en pension et un camion. Le Pôle Emploi m’a aidé avec 6000 euros et un ami m’a prêté de l’argent pour ouvrir un compte engageur. C’est comme ça que j’ai démarré en 2009 et j’ai avancé petit à petit pour arriver à louer, aujourd’hui, une écurie dans ces magnifique installations au Haras du Barquet. Je ne suis pas à plaindre, on a une bonne qualité de vie mais la route n’a pas été facile tous les jours.
ON PARIE SUR LES BONS CHEVAUX
CANDY DE NANTUEL*GFE

CANDY DE NANTUEL*GFE

 Aujourd’hui j’ai fait le choix de parier sur la qualité. J’ai 16 à 20 chevaux à l’écurie et deux employés très dévoués Flavien Giraud et Alisson Thory qui veuillent à leur bien-être. Il est important que l’ambiance à l’écurie soit bonne et détendue car les animaux la ressentent. L’élément clé de la réussite c’est également l’aide de ma femme qui travaille dans l’ombre en s’occupant des taches administratives et qui m’accompagne sur les routes en tant que groom concours, enchaînant les jeunes en semaines et les « grand » en week-ends. Je ne la remercierai jamais assez…
Je prends les chevaux à l’essai pendant un mois avant de décider de m’investir. Les pensions coûtent assez cher, les  les propriétaires-éleveurs comme Denis Brohier, Stéphane Chalier ou les frères Pignolet me les confient en espérant une bonne commercialisation, il faut donc être assez sûr de pouvoir arriver aux résultats escomptés. Et on sait qu’on s’entend pas forcément avec tous les chevaux: le meilleur cavalier avec le meilleur cheval ne forment pas forcément le meilleur couple! L’exemple de travail réussi qui m’a fait très plaisir, c’est une bonne jument d’Eric Levallois que j’ai formé à 6 et 7 ans et qui, trois semaines après la vente, a gagné le GP 2 étoiles en signant le seul sans faute!
J’ai mis des années à construire ce système qui ne fonctionne pas si mal – si vous regardez mes classements dans les GP les années passées ce n’est jamais avec les même chevaux. La seule exception était Red Queen Davier qui n’était pas à vendre et que j’ai pu garder plus longtemps.
CE QUI COMPTE C’EST LE PARTAGE
THOMAS VICTOIRE
Je monte à cheval car j’aime les animaux. La performance en soi n’est pas intéressante si on ne construit pas, on ne partage pas ensemble. Car les chevaux, s’ils sont en confiance, se donnent pour nous. Quand, au barrage, le cheval semble obéir presque à votre pensée, c’est unique et c’est un plaisir de partager extraordinaire! Et certains d’entre eux nous donnent plus que d’autres. Et ce ne sont pas forcément les chevaux avec qui on a le plus de résultats – ils n’ont pas forcément tous les moyens, mais ils ont là pour nous. Et on s’y attache d’autant plus qu’ils ont souvent une forte personnalité. C’est comme chez les gens, les plus doués n’ont pas été forcément les meilleurs à l’école…
IL FAUT COMMENCER PAR LES AIMER
rousseau imbattable
Il faut commencer par l’aimer. Si vous l’aimez, si vous croyez en lui, même s’il n’est pas le meilleur, le cheval vous donnera le meilleur de lui-même. Car si on n’y croit pas, il y a peu de chances que ça marche. On s’investit moins, on passe moins de temps, on est moins patient et le cheval ressent tout cela, forcément. Pour qu’un cheval se donne, il faut qu’il se sente bien. Il m’est arrivé une fois de passer à côté d’une jument que j’ai eu à 5 ans. Après 6 mois de travail j’ai suggéré au propriétaire de changer d’écurie car je n’ai pas compris son mode de fonctionnement. Il l’a fait, elle a été ensuite commercialisée au Canada et tourne aujourd’hui dans de belles épreuves. Je reste persuadé que si elle était restée chez moi, elle n’en serait pas là aujourd’hui…
Sinon, il y a eu pas mal de chevaux qui ne faisaient rien et qui se sont révélés dans mes écuries. C’était le cas d’Aresse M. Le cheval marchait bien avec son propriétaires à 135-140 et celui-ci a voulu le faire évoluer sous une belle selle à haut niveau mais les essais n’ont pas été concluants. Et moi j’ai découvert un crack. Son premier GP 135 à Cabourg, gagné, son premier 140 à Deauville, gagné. Le Grand National de Cluny, gagné. Il a fini 8ème du GP 160 du 4 étoiles de Bourg-en-Bresse avant d’être commercialisé. Tout cela en six mois…
Le plus long à venir c’est la confiance et le relâchement. Une fois que c’est acquis alors, si le cheval a le potentiel, on passe assez facilement les étapes. Et c’est très euphorisant quand cela vous arrive…
BIEN GERER LE MENTAL C’EST PRESERVER LE PHYSIQUE
rousseau et queyraz
Je suis hyper vigilant en ce qui concerne la condition physique des chevaux. Les blessures arrivent quand on est trop fatigués, quand on ‘en peut plus. C’est vrai pour nous aussi. Je suis cassé de partout et mon dernier accident à Saint-Lô m’a fait réfléchir. Il faut savoir s’arrêter, souffler, penser à autre chose pour pouvoir garder envie et fraîcheur. Pareil les chevaux: si on leur demande de forcer trop, le moral va en souffrir. J’ai décidé donc, après un bon début de saison, de les arrêter un petit mois avant les échéances du juin, juillet, août. C’est bon pour leur corps et, du coup, pour leur moral.
Comme je fais très attention, j’ai eu très peu de chevaux blessés ou arrêtés. Depuis que je me suis installé en 2009 j’ai n’au eu que deux cas d’arrêt prolongé: une tendinite et une blessure accidentelle. Mais, par contre, j’ai perdu deux chevaux d’une manière soudaine et imprévisible et en plus, en concours, donc tout le monde en a parlé. Les deux chevaux étaient entraînés, en forme, depuis un an dans mes écuries, on ne pouvait pas prévoir qu’ils puissent partir comme ça, d’une crise cardiaque ou d’une rupture d’anévrisme. C’est improbable, mais cela m’est arrivé deux fois. Comme je respecte beaucoup mes chevaux, les soupçons de maltraitance m’ont blessé profondément et je me dis que, parfois, le sort s’acharne.
JE VAIS A L’ECONOMIE
thomasrousseau
Le gros travail avec les jeunes chevaux se fait en hiver, pendant que les chevaux d’âge ne font plus de concours, seulement le travail d’entretien. C’est alors que les 5-6-7 ans font leur travail de base, de dressage. Pour les sauts, je fais au cas par cas et à l’économie, car moins ils sautent, plus on les préserve pour l’avenir. Les jeunes sautent uniquement la semaine avant le concours et ceux qui sont déjà dressés, qui n’ont aucun problème particulier à régler, sautent uniquement en concours. Candy de Nantuel a sauté à Sarthilly et va sauter au Pin, mais ne saute pas entre les deux concours.
POURQUOI TU NE FAIS PAS PLUS DE HAUT NIVEAU?
ASCOTT DES VAUX

ASCOTT DES VAUX

 Combien de fois on m’a posé cette question… Les gens ne voient pas tout le travail qui doit être fait en amont. Et quand tout est en place, quand il manque juste 10% pour atteindre le haut niveau, alors c’est en ce moment que le cheval est commercialisé. Et c’est normal, c’est le deal.
C’est bien pour cela que l’association avec le GFE est un compromis idéal. On valorise les étalons dans le but de vendre les saillies. Il n’y a donc pas d’objectif de commercialisation rapide. Nous travaillons dans le respect mutuel – ils gèrent la carrière de reproduction, moi la carrière sportive tout en les tenant informés bien sûr.
Pour atteindre ce fameux haut niveau on a besoin des propriétaires qui investissent, qui permettent aux cavaliers de garder les chevaux sur le long terme. C’est grâce à eux que la France a pu devenir le Champion Olympique. C’est le plus beau qui puisse arriver à notre sport, ça nous fait rêver et c’est très bon pour la filière en ensemble.
MON REVE EQUESTRE
Candy de Nantuel aime aussi le pansage...

Candy de Nantuel aime aussi le pansage…

 Mon rêve équestre ce serait de rencontrer un jeune cheval à 5-6 ans et d’aller avec lui jusqu’au bout. Partager le chemin ensemble pour arriver à une belle Coupe des Nations, à la Baule, par exemple. Gagner une Coupe des Nations de la Baule avec Candy de Nantuel ce serait ça, mon rêve réalisé! Et pourquoi pas? Je crois en lui, pour moi c’est un crack!
Il me fait penser à Quickly de Kreisker que j’ai monté à l’âge de 5 ans et j’ai dit à tout le monde qu’il était hors norme et on ne me croyait pas. Pareil pour Candy – mes je n’écoute plus ce genre de commentaires. Je l’avais essayé à Saint-Lô, il sortait de la période de prélèvement, il était très frais et joueur. Je n’avais pas la sensation de sauts importants mais quand j’ai vu la vidéo, j’étais assez impressionné. Et ça continue! Chaque fois que je sorte de piste avec lui, j’ai envie d’y retourner. Il a beaucoup de sang mais reste très calme, gentil, facile à soigner et manipuler.  Adorable et tout le monde l’adore à l’écurie. L’émotion de la piste, qui rend timides certains chevaux, le révèle!  Il entre en piste comme on rentre sur scène: il prend la pose, joue, mais reste très concentré à l’obstacle. Les moins regardants, ils les passe juste comme il faut, mais dès que je signale qu’il faudra faire un effort, il réagit immédiatement! Il a un super charisme et ça se sent. Il a sailli 500 juments en deux ans, c’est remarquable pour un jeune cheval sans palmarès. Je crois en lui très fort et j’espère que mon rêve équestre se réalisera un jour…
PROFITER DE LA VIE
THOMAS3
J’aime les animaux, je suis passionné par la plongée sous marine.
J’aime aussi les gens, le partage, l’enseignement.
J’aime profiter de la vie, sinon l’existence serait bien monotone et sans saveur.
Il faut faire des efforts pour sauvegarder la joie de vivre!
Avec Umbrelle

LE JUMPING AVEC AEC EST DEVENU LE PLUS GRAND CONCOURS NATIONAL

Le bonheur de la groom d'Edward Levy

Le bonheur de la groom d’Edward Levy

On aime bien aller Pôle Hippique à Saint-Lô car on y trouve chaque fois une ambiance très particulière, où le sport se mêle à la convivialité, où les stars étoilées sont traitées avec les mêmes égards que les amateurs, où les éleveurs locaux et les visiteurs venants de toute la France et de l’étranger, se sentent chez eux.

JUMP

AEC, Association des Ecuries du Concours de Normandie, dirigée par Charles-Hubert Blin, organise les événements sportifs avec une belle équipe de bénévoles et le succès est au rendez-vous. 1400 engagements la première semaine, 1700 le deuxième week-end, le téléphone qui sonne pour les demandes de la dernière minute, les boxes loués en urgence… L’équipe est flexible, essaie de s’adapter et de faire plaisir au plus grand nombre. Alain Lhopital, chef de piste de cette édition, a dû repenser les configurations d’obstacles pour les bouger le moins possible sur la piste pour enchaîner les épreuves avec des centaines participants avec fluidité. Car plus il y a de chevaux et de cavaliers, plus la gestion doit être rigoureuse et précise, plus la tension augmente. Avec, en plus, un concours d’élevage de 2 et 3 ans la première semaine et le concours des jeunes chevaux la deuxième semaine, ce n’est plus une organisation mais un exercice de la haute voltige ! « Heureusement que nous avons noué les liens forts avec nos partenaires institutionnels, Conseil Départemental de la Manche, Saint-Lô Agglo et la Ville et nos partenaires privés. Sans eux impossible d’organiser un événement attractif et on fait tout pour qu’ils soient satisfaits. »

QUELQUES BONS MOMENTS…

Samedi, 21 avril, la journée a commencé sous le soleil bien printannier pour terminer par un gros orage. Les derniers cavalier de l’épreuve vitesse 140 ont sauté sous une pluie diluvienne. Parti le dernier, EDWARD LEVY, déjà en tête de l’épreuve avec Umbrella Ter Wilgen Z en 27.08 a réussi, malgré un pluie battante, de battre son propre score avec Starlette de la Roque en 26.44. Il occupe ainsi la première et la deuxième place. « Il l’a fait! », s’exclame sa groom, parfaitement heureuse. C’était une belle mise en jambes avant le concours de New York!

EDWARD LEVY et sa Star-lette de la Roque

EDWARD LEVY et sa Starlette de la Roque

groom E Levy

Avec Umbrelle

Avec Umbrella

TIMOTHEE ANCIAUME termine 3ème en compagnie de Ulster de Nantuel

ANCIAUME UNIANCIAUMEOK

MARGAUX ROCUET, aussi efficace qu’élégante, a réussi à se classer 4ème avec Vahine de Bieville et 6ème avec Astalavista Declamens. C’est ALIX RAGOT avec sa bonne Viola O’Moulin qui termine 5ème. Photos: MARGAUX en action…

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OLIVIER MARTIN, toujours impeccable, sans faute et courtois avec ses super étalons: Andiamo de Semilly, Artiste de l’Abbaye et Vandy du Bois d’Elle avec qui il communique très gentimment pendant le parcours. « C’est bien bonhomme » étant la phrase la plus entendue… Photos: Olivier et Andiamo

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PENELOPE LEPREVOST a fait plusieurs tours de travail avec ses nouveaux chevaux…

PENELOPEPENELOPE2

Alors que FELICIE BERTRAND après Sultane des Ibis, avec qui elle commence à devenir très compétitive, et Vahiné de Favi, a monté Nice Stephanie, la jument qui a marqué les débuts de collaboration entre Pénélope et le Haras de Clarbec.

FELICIE NICE STEPHANIE

PRIX NORMANDIE TERRE DE CHEVAL

Une épreuve Vitesse 130, proposée avant celle du Conseil Départemental, a réuni plus d’une centaine de concurrents. C’était donc très difficile de se retrouver au top de classement. HUBERT PIGNOLET avec Upsillon d’Elle s’est révelé imbattable en 51.80 – les frères Pignolet ont démontré une belle forme et beaucoup d’envie tout au long du concours.

H PIGNOLET UPSILLON D'ELLEPIGNOLET NOLAN

MARC LE BERRE avec Utopie du Blavet a tenté le tout pour le tout mais a dû se contenter d’une très belle 2ème place, poursuivi par JEROME HUREL sur Unique St Loise.

MARC LE BERRE UTOPIE DU BLAVETHUREL

JEMMA KIRK avec Quelisto est quatrième, ROBIN LESQUEREN cinquième en compagnie de l’attachante Vanda d’Ellipse. LAURENT GOFFINET est sixième avec Trésor Paluelle et CLARANCE GENDRON avec son incroyable Rodrigo, septième. Photos: Jemma et Clarance

JEMMA KIRK QUELISTOCLARANCE GENDRON RODRIGO

Photos: LAURENT et ROBIN

LAURENT GOFFINET TRESOR PALUELLEROBIN LESQUEREN VANDA D'ELLIPSE

Tous les résultats: https://www.aec-normandie.fr/resultats

 

CLARANCE G2

CLARANCE ET RODRIGO UNE SI BELLE HISTOIRE…

CLARANCE OKCLARANCE

On les croise à la sortie de la piste du Notre -Dame d’Estrée ou le couple s’est classé 5ème dans le GP 130. Le cheval s’est fait remarquer en piste par sa façon de se déplacer et de sauter avec l’encolure étendue, très en avant qui fait sourire les spectateurs mais qui ne le dérange pas pour sauter d’une manière rapide et généreuse. Rodrigo, très à l’aise et en confiance, interpelle les passants les passants avec la pointe de son nez gris.

CLARANCE BARRAGECLARANCE G2

« Il sait qu’il a bien fait et il demande les bonbons, explique CLARANCE GENDRON, très complice de son protégé. Quand il est arrivé aux écuries il avait peur de tout, il réagissait très fort, mais après un an on a réussi à passer des épreuves club au classement dans le Pro3 Vitesse 125 et Pro2 GP 130. Une évolution spectaculaire qui a attiré une très forte attention des acheteurs. Ensuite, il y avait des hauts et des bas. Quand il se faisait peur avec la hauteur ou la largeur des obstacles, il pouvait avoir des réactions assez fortes. A chaque fois je revenais aux bases pour le rassurer. Je n’ai pas lâché et il y a un an, il s’est révélé. En mars 2017 je l’ai emmené à Oliva en Espagne où on a sauté les épreuves CSI * à 125 et 130 et il s’est classé 6 fois sur 9 épreuves sautées. Ensuite sa plus belle réussite c’est la victoire dans le GP 135 du CSI* dans le Jumping AEC à Saint-Lô en novembre 2017. Et ça continue ! Sur 40 sorties on a plus de 30 classements. Il a pris confiance, maintenant il adore aller en concours et on se fait plaisir tous les deux. C’est le véritable début de sa carrière ! Il a son allure bien à lui, mais c’est dû à sa morphologie et il faut faire avec, on ne peut pas le forcer pour avoir un rassemblement classique. J’ai suivi mon sentiment, savoir écouter son cheval c’est quand même la base pour un cavalier … »

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Ne pas se décourager, suivre son cœur, écouter son cheval. Et il vous apportera la plus belle des récompenses….

CLARANCE G 1